Promenez-vous sur l’une des nombreuses plages de Tel Aviv, le week-end, et vous y verrez très probablement de nombreux jeunes sportifs en train de jouer à ce qui semble être par moments du volley, et du football à d’autres.

Ce sport s’appelle le footvolley, en réalité – et qu’il s’agisse de glissades, de coups de tête ou de coups de pied retournés, les joueurs feront tout ce qu’il faudra faire pour lancer le ballon au-dessus du filet et pour obtenir un point très convoité. Des acrobaties qui peuvent créer une atmosphère qui, parfois, se confond avec celle d’un cirque mais ne vous y trompez pas, l’influence du footvolley sur les jeunes de Tel Aviv va bien au-delà du simple divertissement.

« Le footvolley est devenu l’âme de Tel Aviv », s’exclame Marjorie Finguermann, l’une des deux moitiés du binôme féminin figurant à la première place du classement de footvolley en Israël et troisième au classement européen.

La plage Trumpledor, qui se trouve au centre de Tel Aviv, est un lieu de rendez-vous incontournable pour les joueurs de footvolley. Entre deux flirts, les jeunes se mettent en cercle pour jouer à « Keep it Up », un jeu vidéo consacré au football. Aux abords de la plage, les magasins locaux vendent la « mikasa », le ballon officiel de leur discipline fétiche.

Le samedi, la Ligue Yaaz – la ligne nationale israélienne de footvolley – a attiré en moyenne 2 000 spectateurs pendant tout son tournoi estival, avec des centaines d’autres amateurs qui l’ont regardé en streaming sur internet. De nombreux passionnés sont venus pour saluer leur coach personnel – dont certains portent des noms qui sont dorénavant devenus familiers à Tel Aviv.

« Ce qu’il y a de plus enthousiasmant là-dedans, c’est de voir des centaines de personnes assises en plein soleil, avec une température de 35 degrés, qui sont venues pour assister aux matchs pendant les deux mois les plus chauds en Israël », dit Tomer Raifman, directrice-générale de Yaaz Entrepreneurship and Construction, qui est le sponsor de la ligue.

Mêlant la puissance du football à la grâce du volley, le sport a été créé en 1965 au Brésil et il s’appelle futevolei en portugais. Il est arrivé en Israël en 2003, quand deux Brésiliens avaient appris les règles du jeu à un groupe de passionnés de foot, sur la plage Gordon de Tel Aviv. Le sport se joue des deux côtés d’un filet de plage, avec deux joueurs de chaque côté. Les équipes peuvent effectuer trois touches au maximum dans leurs échanges, sans utiliser leurs mains et leurs bras, avant de renvoyer le ballon de l’autre côté du filet.

Oren Tzuberry lors du Championnat de ligue de footvolley sur la plage Frishman de Tel Aviv, le 5 août 2023. (Crédit : Weingarten)

Même si cette discipline s’appelle « Footvolley » dans le monde entier, les Israéliens n’ont pas pu s’empêcher d’apporter leur touche personnelle dans ce qui est devenu un phénomène de société. Le nom en hébreu du sport, « fuccivollei », a été adopté après le tournoi Corona Fucci Vollei qui avait été organisé en 2008.

Aujourd’hui, le moteur de la croissance de la discipline est l’Association israélienne de footvolley, une organisation bénévole qui a été créée en 2016 et qui est dirigée par d’anciens joueurs. La Ligue masculine supervise le tournoi estival annuel qui réunit les meilleures équipes israéliennes, qui s’affrontent dans le cadre d’un format divisé en trois ligues. Pour améliorer encore le niveau de compétition, les joueurs classés dans le premier tiers du classement ont le droit de parrainer un joueur brésilien qui sera leur coéquipier. Les joueurs israéliens assument ainsi la responsabilité de leurs déplacements en avion, de leurs repas, de leur gîte ainsi que des sites d’entraînement.

Les athlètes, hors-saison, dirigent des écoles de footvolley qui sont installées sur les plages d’Israël, transmettant leur savoir à la nouvelle génération et aidant ainsi à élargir la Ligue. Les écoles proposent des cours, le matin et en fin d’après-midi, et elles organisent des matchs amicaux pour leurs élèves, tous les deux mois environ.

Avec de belles plages et un ensoleillement assuré pratiquement toute l’année, Israël est le lieu idéal pour l’éclosion d’un tel phénomène culturel. Le tendance au télétravail (avant le Corona), dans le pays, se prête également à la pratique du sport et les joueurs jonglent régulièrement entre les appels pour le travail et les matchs de footvolley pendant toute la semaine.

Dans une ville où conserver une bonne forme physique a une grande importance, le footvolley est la discipline rêvée. Les athlètes doivent être dans une condition physique excellente et ils sont amenés à perfectionner leur sens de l’équilibre, leur endurance et leurs réflexes. En plus de séances de musculation, ils font du jogging sur le sable et pratiquent le yoga ou le pilate pour garder leur souplesse. Tel Aviv, une ville connue pour sa population au physique avantageux, a trouvé le moyen de renforcer encore cette image grâce au footvolley.

« C’est un sport où vous pouvez porter un bikini et être sur la plage : ce n’est pas étonnant que les Israéliens l’adorent », commente Illy Levvy, la deuxième moitié du binôme féminin classé numéro un en Israël.

Levvy et Finguermann se sont distinguées dans un contexte où des athlètes féminines et des ligues du monde entier prônent dorénavant une reconnaissance égalitaire dans les sports. Le duo, un couple, ne s’est pas seulement contenté de devenir numéro un en Israël – elles ont lancé Futilina, la première ligue et la première école 100 % féminines au sein de l’État juif. Leur passion commune pour le footvolley leur a permis de se rencontrer, disent-elles, et renforce leur relation.

« La communication est l’élément déterminant dans notre relation et dans nos réussites, que ce soit sur le terrain ou à l’extérieur. Nous excellons parce que nous nous comprenons, parce que nous jouons sur les forces l’une de l’autre tout en compensant réciproquement nos faiblesses », déclare Levvy.

En participant aux tournois de la ligue de footvolley européenne, Levvy et Fingermann ont rencontré d’autres femmes, des athlètes comme elles, venues du monde entier et qui, comme elles encore, ont dû subir le sexisme dans leur pays d’origine. Ce qui a souligné pour elles la nécessité de livrer de manière concertée des efforts visant à défendre les femmes au sein de la discipline, notent-elles. Le manque de filets et de salles indoor, à Tel Aviv, ainsi que le développement inégalitaire de la ligue masculine de footvolley, ont placé les joueuses en situation désavantageuse.

« Futilina est là pour changer cette perception qui est que les femmes n’ont pas leur place sur le terrain », dit Finguermann.

L’essor du footvolley ressemble de manière frappante à celui du pickleball, qui se répand comme une traînée de poudre aux États-Unis. Les deux sports ont parvenus à séduire de nombreux groupes d’âge, largement grâce à leur nature à faible impact.

Pour les jeunes de Tel Aviv – nombreux sont ceux qui, parmi eux, ont passé leur enfance entre les quatorzaines et les confinements – le footvolley est un bon moyen de nouer de nouvelles amitiés tout en profitant de l’extérieur, des expériences qui étaient interdites pendant la pandémie. Par ailleurs, les Israéliens, qui sont connus pour leurs discussions franches sur la politique, sont épuisés par les divisions qui fracturent actuellement le pays. Le footvolley offre un espace qui permet de laisser les débats à l’écart et de profiter tout simplement du jeu et du moment présent.

La discipline est aussi à l’origine de lien humain pour toute une génération qui regarde davantage l’écran de son téléphone mobile que le monde qui l’entoure.

Maor Haas et Ron Ben Ishai, classés numéro un à la Ligue de footvolley de Yaz, fêtent un point sur la plage Frishman de Tel Aviv, le 5 août 2023. (Crédit : Chaim Weingarten)

« J’ai toujours su que ce sport réussirait à s’implanter ici parce que la plage de Tel Aviv fait partie intégrante de l’identité de la ville », s’exclame Oshri Cohen, l’un des quatre passionnés de football qui avaient aidé à introduire le sport à Tel Aviv. « De plus, la communauté qui s’est formée sur la plage autour du footvolley est un refuge pour ceux qui ont lutté pour se faire accepter dans des espaces plus conventionnels, leur donnant une chance de redéfinir leur identité ».

Le sport enseigne des leçons de vie qui vont bien au-delà du cadre idyllique de la plage et de son sable, déclare Gal Levi, ancien joueur et ambassadeur en Europe de l’Association israélienne de footvolley.

« Cela vous apprend le sens de la responsabilité, à présenter des excuses si nécessaire, à contrôler votre colère. Cela vous apprend à prendre les choses en main et aussi à lâcher prise », dit Levi.

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