Arié Bensemhoun, cette semaine vous allez nous parler du tournant qui s’est opéré au début du mois d’octobre entre l’Union européenne et Israël ?

En effet. Le Conseil d’association Israël-Union européenne a tenu sa réunion annuelle à Bruxelles le 3 octobre dernier pour la première fois depuis 10 ans, pour « corriger une erreur historique », selon les termes du Premier ministre israélien Yaïr Lapid. Ce dernier s’est exprimé par vidéoconférence, alors que le ministre du Renseignement israélien, Elazar Stern, était présent à Bruxelles.

Ce Conseil a été créé en 1995, dans la foulée des Accords d’Oslo. Mais en 2013, le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait annulé la rencontre, protestant ainsi contre une décision de l’Union européenne d’établir une distinction entre Israël et les territoires occupés. L’année suivante, c’est l’UE qui avait à son tour annulé le rendez-vous annuel suite à l’opération militaire Bordure protectrice menée à Gaza. Et depuis, plus rien.

Après dix ans de brouille, comment expliquez-vous ce rapprochement entre l’UE et Israël ?

Trois raisons majeures expliquent cette réconciliation. D’abord, les dirigeants ont changé et les priorités aussi. Yaïr Lapid, en qualité de ministre des Affaires étrangères d’abord puis de Premier ministre ensuite, a toujours voulu restaurer les liens diplomatiques avec l’UE parfois mis à mal par Benyamin Netanyahou.

Côté européen, Josep Borrell, qui a succédé à Catherine Ashton et Federica Mogherini a annoncé la reprise de l’activité de ce Conseil en juillet. Le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pense que ce Conseil d’association serait une bonne occasion de réengager un dialogue avec Israël.

Deuxièmement l’UE et Israël ont des intérêts économiques convergents. L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël et des intérêts nouveaux ont émergé d’un côté comme de l’autre : d’une part, le gaz israélien off-shore pourrait compenser en partie le gaz russe ; d’autre part, Israël a aussi moult intérêts à se rapprocher de l’UE. Il a ainsi renouvelé sa participation au programme Horizon de recherche et développement fin 2021, signé un accord-cadre avec l’UE et l’Egypte sur la coopération énergétique, est sur le point de conclure un accord avec Europol et espère aussi signer des accords dans les domaines culturel, digital et sanitaire.

Enfin, troisième raison qui explique ce rapprochement : l’évolution diplomatique régionale avec la signature des accords d’Abraham. Faute de pouvoir résoudre la question palestinienne, le nucléaire iranien reste une menace commune qui fédère.

La question palestinienne pourrait-elle troubler ce nouveau rapprochement ?

Lors de la rencontre, Josep Borrell et Eliazar Stern ont discuté des relations bilatérales entre l’UE et Israël, dans le contexte trouble de la guerre en Ukraine, ils ont également évoqué la crise énergétique mondiale et l’insécurité alimentaire croissante. La discussion a porté essentiellement sur des questions telles que le commerce, le changement climatique, l’énergie, la science et la technologie, la culture, le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, la liberté de religion ainsi que la lutte contre l’antisémitisme. Si des points de discorde demeurent sur la question palestinienne, il semble pour autant que les deux partenaires veulent dépasser les clivages et travailler main dans la main, dans un dialogue continu…

Pensez-vous que cette réconciliation saura s’inscrire dans la durée ?

Oui. Et c’est souhaitable. Israël est une démocratie alliée et mérite d’être traité comme telle. Le conflit israélo-palestinien est au point mort mais cela n’a pas empêché le monde d’évoluer. Les Accords d’Abraham en sont la meilleure illustration. Ils offrent une matrice de résolution des conflits et ont permis depuis deux ans d’instaurer la paix entre des pays qui se vouaient aux gémonies depuis des décennies. Il faut saluer cette reprise du dialogue et œuvrer pour qu’elle se renforce à l’avenir.

Arié Bensemhoun

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