SUR RADIO J. « La folie prêtée à Vladimir Poutine lui confère un avantage », la chronique de Gilles-William Goldnadel.

«Non, Vladimir Poutine n’est pas fou», c’est ce qu’écrit cette semaine dans les colonnes du Figaro Vox l’avocat et essayiste Gilles William Goldnadel.

Ce matin comme tous les mercredi à 7H20 dans sa chronique sur Radio J dans le Morning au micro d’Ilana Ferhadian, il se questionne sur la psychiatrisation de ses adversaires.

LE PLUS. LE FIGARO.

Sans prendre la défense du président russe, l’avocat estime que ceux qui lui prêtent une forme de démence font fausse route. Cette erreur confère un avantage tactique et stratégique à Vladimir Poutine, argumente-t-il.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il publie Manuel de résistance au fascisme d’extrême-gauche (Nouvelles éditions de Passy, 2021).

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Des journalistes et hommes politiques traitent Vladimir Poutine de fou. Grave erreur. Le fou est celui qui ne sait pas ce qu’il fait, ni n’a conscience des conséquences de ses actes. Or Poutine est un homme froid, glacial, qui pense ce qu’il dit et a démontré qu’il fait ce qu’il dit. C’est pour cela qu’il faut le prendre au sérieux, écouter ses discours, analyser ses comportements et se préparer à trouver des arguments dans une négociation.

 

C’est quelqu’un qui a été formé par le KGB. Il a subi une des formations les plus dures et des plus sévères. Il pratique le judo, la chasse et joue aux échecs. Un fou, ne fait pas tout cela.

 

Le traiter de fou est une paresse d’analyse. Saddam Hussein n’était pas fou. C’était, comme Poutine, un dictateur qui ne supporte pas qu’on lui résiste ou qu’on le contredise. Une vidéo montre Poutine en réunion avec ses hommes les plus proches. Il y a dix mètres de distance entre lui et eux. Le chef de la sécurité est interrogé par Poutine. L’homme tremble, balbutie exactement comme un enfant qui passe au tableau et s’attend à recevoir un coup de bâton sur les doigts. Sauf que dans le cas de Poutine et de Saddam, l’homme peut disparaître sans laisser de traces. On se souvient de la vidéo où Saddam, fumant un Havane, avait réuni dans une salle les éléments de son parti et montrant du doigt un homme, puis un autre. Des hommes viennent les chercher, puis on entend une fusillade à la mitraillette. Tous les hommes présents crevaient de peur, se demandant à qui le tour? Et Saddam était content. Il jouissait de la peur qu’il provoquait autour de lui, ce qui est le propre des dictateurs.

 

Poutine est un maître de la peur. Il en connaît les rouages et les mécanismes. Des hommes de plus de soixante ans ont peur devant lui. Et lui, impassible. Rien ne se lit sur son visage. Ou bien l’expression figée du visage avec une bouche sans lèvres, des petits yeux qui vous percent quand ils se posent sur vous, donnent l’impression d’un jugement imminent qui va vous envoyer en Sibérie ou dans une trappe.

 

Tout est calculé chez cet homme. Il travaille jour et nuit et rien ne l’atteint. Le fait par exemple d’avoir humilié en 2007 Sarkozy puis les semaines dernières Macron, montre assez qu’il n’en a rien à faire de ce que la presse dira de son comportement. Au contraire. Cela l’arrange qu’on sache qu’il est ainsi.

 

En 2007, Sarkozy, fraîchement élu président de la République s’est présenté à Poutine et il lui a dit ce qu’il pensait de sa politique en Tchétchénie, a parlé de la journaliste assassinée et des droits de l’homme non respectés. Poutine l’a écouté, puis il lui a dit sur un ton neutre et ferme à la fois: tu es petit, si je veux je peux t’écraser, alors tu te tais. Là-dessus, Sarkozy est sorti titubant, sonné, et tout le monde avait cru qu’il avait bu beaucoup de vodka. Pas du tout, ni lui ni Poutine ne boivent d’alcool. Sarkozy a été physiquement malmené par le maître du Kremlin et a eu une peur physique qui s’est exprimée par un état d’ébriété sans alcool.

 

Macron est arrivé pour le dissuader d’envahir l’Ukraine. Personne ne l’attendait à l’aéroport. Pas de tapis rouge. Pas de traitement diplomatique d’un chef d’État. Rien. Il arrive au palais présidentiel. Il marche tout seul dans des couloirs interminables. Il arrive devant un Poutine assis au bout d’une table de six mètres de long. Poutine ne s’est pas levé pour le recevoir. Macron a avalé toutes ces couleuvres, a parlé, parlé, pendant que Poutine riait intérieurement. Macron est reparti. L’ordre d’envahir l’Ukraine, préparé depuis des mois, a été donné.

 

Poutine est un monstre froid. La démocratie, le partage des pouvoirs, la négociation ne font pas partie de son éducation ni de sa culture. Quand il se réunit avec son état-major, même en état de paix, il met au moins dix mètres entre lui et ses ministres. C’est dire qu’il est seul et que toutes les décisions sont prises par lui tout seul.

 

Ce qui pourrait nous sauver, c’est son narcissisme. Il s’aime. Il s’adore. On le voit dans des vidéos qu’il fait publier où il est torse nu en train de faire des exercices sportifs. Il montre ses muscles qu’il ménage bien. Il aime qu’on dise de lui qu’il est fort, qu’il est puissant, qu’il est terrible.

 

S’il passe à l’étape du pire, c’est-à-dire mettre à exécution ses menaces de guerre nucléaire, il sait qu’il va tout perdre. Il fera horriblement mal à ses adversaires, mais il ne pourra plus vivre et présider la puissance russe qu’il cherche à redonner à son pays en récupérant les anciens territoires qu’il considère culturellement ou historiquement attachés à la Russie. Son objectif, c’est reconstituer la puissance de l’empire soviétique tel qu’il était avant 1990. Et là, s’il utilise l’arme nucléaire, il ne pourra pas survivre à son projet.

 

C’est pour tout cela que Poutine n’est pas fou. Il est terriblement dangereux, il est impitoyable, il est dur et sans le moindre sentiment d’humanité. Il est enfermé dans son système totalitaire et croit à ses mensonges comme par exemple de dire que les Ukrainiens sont des nazis. Ce qui est une aberration historique. Mais ce n’est pas ça la folie.

 

Les survivants sunnites de Syrie s’en souviennent. Les avions de Poutine ont détruit une partie de la Syrie, venant en aide à un autre dictateur, assassin de son peuple, Bachar al-Assad. L’un comme l’autre ont agi en tout impunité. Cela leur donne le sentiment d’une puissance incontestable. La preuve: Bachar al-Assad n’est pas jugé pour ses crimes par le Tribunal pénal international à La Haye et Poutine ne le sera jamais.

 

Le Maroc a été sage dans ses réactions. Il est pour la paix des peuples et reste à l’écart. Cette prudence est celle d’une grande sagesse. Le Maroc ne peut pas se payer le luxe d’une opposition directe avec Poutine. La Russie est membre permanent du Conseil de sécurité et un bon client pour les produits marocains. Les sanctions prises par l’Europe et l’Amérique risquent de rendre difficile le commerce entre le Maroc et la Russie. Serions-nous les victimes collatérales? Possible.

 

La guerre n’est toutefois pas terminée et l’armée russe poursuit son avance en Ukraine malgré une résistance du peuple qui force l’admiration. Poutine ne s’arrêtera pas. Il ira jusqu’au bout, occupant ville par ville. Le reste, les civils qui fuient en pleurant, les victimes innocentes, la destruction des écoles et des immeubles, cela ne le fera malheureusement pas dévier de son objectif.

/m.le360.ma

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