Que se passe t-il dans les couloirs du Kremlin? Vladimir Poutine.

Par |2022-03-03T08:16:54+01:003 Mar 2022|Catégories : NEWS|

Grande spécialiste de l’ancienne sphère soviétique, la journaliste tchèque Petra Procházková décrit, dans le quotidien Deník N, un homme à l’écart du monde et méfiant de tous. Elle dresse la liste des rares personnes qui ont encore accès au maître du Kremlin.

Depuis mars 2020 et le début de la pandémie de Covid-19, Vladimir Poutine est chaque jour un peu plus esseulé. À en croire ceux qui l’ont connu lorsqu’il n’était encore qu’un jeune officier du KGB ou un simple fonctionnaire à la mairie de Saint-Pétersbourg, le maître de la Russie apprécie pourtant la compagnie. Simplement ne dispose-t-il plus aujourd’hui de suffisamment de temps pour la vie en société. C’est lui qui décide de l’existence ou de la non-existence de l’Ukraine et, plus globalement – du moins le ressent-il probablement ainsi –, de la marche du monde.

“C’est la cour d’un monarque du Moyen Âge qui a une estime de lui-même très excessive mais possède de tels actifs que, à côté, même Carlos Slim [milliardaire mexicain qui, il y a dix ans, était l’homme le plus riche du monde] passerait pour un chauffeur de taxi ukrainien à l’aéroport de Prague. Et cette fortune explique tout”, a confié à Deník N une source proche du Kremlin, qui préfère conserver l’anonymat.

Qui fait donc partie de cette cour et dans quelle mesure ceux qui ont encore accès au “corps” l’influencent-ils ? [Le “corps”, c’est ainsi que le président est désigné dans les milieux politiques, journalistiques et sécuritaires russes.]

En raison de son imperméabilité, personne aujourd’hui ne dispose d’informations précises sur ce qui se passe dans les couloirs du Kremlin. Les sources des “kremlinologues” – les journalistes du Kremlin, les favoris de Poutine et les experts de son âme – se sont largement taries. Ceux par qui le président russe se laisse approcher et auxquels il prête une oreille un tant soit peu attentive ne sont désormais plus qu’une poignée.

Dans sa bulle de verre.

Durant la première décennie du règne de Poutine, nombreux ont été les journalistes, politiques, hommes d’affaires et autres artistes, russes comme étrangers, qui pouvaient le “toucher”. Parmi eux, certains ne craignaient pas d’exprimer ouvertement leurs critiques à son endroit.

En 2012, il avait ainsi invité la célèbre journaliste russe Masha Gessen, représentante de la communauté LGBTQ et autrice du livre Poutine : l’homme sans visage (éd. Fayard), à venir le rencontrer. Le président russe avait même su mener quelque chose ressemblant à une discussion dans une ambiance relativement détendue avec une femme qui était – et demeure – l’une des critiques les plus virulentes de son régime. Dix ans plus tard, il serait inimaginable de voir Masha Gessen franchir le seuil du Kremlin.

Le Covid n’est pas la seule raison qui explique qu’une longue table sépare Poutine de ses hôtes. Le chef du Kremlin ne redoute pas seulement une contamination potentielle, mais aussi, plus symboliquement, un monde semblable à une maladie infectieuse avec lequel il ne s’entend pas.

Si son isolement par crainte du coronavirus a officiellement commencé il y a deux ans, le président russe souffrait déjà bien avant d’une absence de contact avec la réalité. La pandémie n’a fait qu’amplifier le gouffre qui le sépare du monde des gens normaux, y compris des politiques, des hommes d’État et des journalistes. Cet éloignement s’est ajouté à ses craintes relatives à son apparence, à sa santé et à sa longévité politique.

Aujourd’hui, seuls ceux qui acceptent de se soumettre à un test Covid russe ou sont prêts à rester en quarantaine quatorze jours peuvent officiellement approcher Poutine. S’il s’agit d’importants dirigeants internationaux, il leur est demandé de respecter une grande distance tout au long de la réunion. Poutine vit désormais dans une bulle de verre à sa résidence de Novo-Ogaryovo, dans les environs de Moscou. Il y est entouré d’une garde rapprochée parfaitement sous contrôle, du personnel du protocole, et d’un caméraman et d’un photographe personnels.

.courrierinternational.com

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