La Préfecture de police de Paris a pris un arrêté, jeudi 13 mai, pour interdire la manifestation de « soutien au peuple palestinien » prévue, samedi, dans la capitale, conformément à une demande émise plus tôt par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
Risque de « troubles graves à l’ordre public »
La marche, prévue samedi à 15 heures du quartier de Barbès (18e arrondissement) à la place de la Bastille, était organisée par l’Association de Palestiniens en Ile-de-France. Pour motiver son arrêté, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, explique notamment qu’il « existe un risque sérieux que les affrontements entre Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes ne se transportent sur le territoire national », occasionnant « des troubles graves à l’ordre public ». Des « exactions contre des synagogues et intérêts israéliens » dans des « pays voisins comme l’Allemagne » ont « déjà eu lieu cette semaine », poursuit-il, assurant « qu’un très grand risque existe que ce type de faits se produise en France ». « Une forte mobilisation est attendue, rassemblant des soutiens hétérogènes », dont possiblement « de nombreux éléments à risque cherchant à provoquer des affrontements avec les forces de l’ordre », ajoute-t-il.
« J’ai demandé au préfet de police d’interdire les manifestations de samedi en lien avec les récentes tensions au Proche-Orient », avait tweeté le ministre de l’intérieur, ajoutant que « de graves troubles à l’ordre public [avaient été] constatés en 2014 ».
En juillet 2014, plusieurs manifestations avaient été organisées en France pour dénoncer une offensive israélienne dans la bande de Gaza. Le 19 juillet, notamment, plusieurs milliers de manifestants avaient bravé l’interdiction de manifester à Barbès et le rassemblement avait dégénéré rapidement, laissant place à des heures d’émeutes urbaines, des jets de projectiles et des tentatives d’intrusion dans deux synagogues parisiennes.
L’interdiction de la manifestation parisienne a entraîné des réactions politiques contrastées. A droite, le député Les Républicains des Alpes-Maritimes Eric Ciotti soutient l’interdiction des manifestations, qui risquent selon lui de « troubler gravement l’ordre public » et de prendre pour cible des « lieux de culte et des bâtiments représentatifs des institutions juives ».
Le maire de Nice, Christian Estrosi, a été dans le même sens, ajoutant avoir, « comme c’est le cas pour Paris, demandé au préfet des Alpes-Maritimes l’interdiction des manifestations propalestiniennes en raison des risques de troubles à l’ordre public ».
La France insoumise (LFI) s’insurge, en revanche, contre cette décision. « La France, seul pays au monde où sont interdites toutes les manifestations de soutien aux Palestiniens et de protestation contre le gouvernement d’extrême droite israélien ! », a dénoncé sur Twitter le président des députés « insoumis », Jean-Luc Mélenchon, ajoutant : « C’est évidemment dans le seul but de provoquer des incidents et pouvoir stigmatiser cette cause. » « Tout ça sent la provoc’ de Darmanin », a renchéri le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel. « Dans quelle autre démocratie voit-on cela ? Solidarité avec le peuple palestinien avec ou sans l’accord de Darmanin ! », a tweeté sa collègue LFI du Val-de-Marne Mathilde Panot.
Ailleurs en France, « consigne a été donnée aux préfets d’être particulièrement vigilants et fermes », a encore écrit M. Darmanin. Dans un télégramme envoyé à l’ensemble des préfets, le ministre leur demande de « mobiliser les services de renseignement » pour « assurer le suivi de ces mouvements » et « anticiper les risques de débordement ».
Il leur demande également de « ne pas hésiter » à « interdire » les manifestations si leurs déclarations sont « hors délai », représentent un risque de « troubles à l’ordre public » ou ne « respectent pas les règles de l’état d’urgence sanitaire ». Il appelle également les préfets à assurer la « protection des lieux de culte, écoles, centres culturels et commerces de la communauté juive ».
Plusieurs manifestations prévues en France
L’organisatrice de la manifestation, l’Association de Palestiniens en Ile-de-France, a « condamné cette interdiction », jeudi soir, par la voix de l’un de ses responsables, Walid Atallah. « En interdisant cette manifestation, la France montre sa complicité avec l’Etat d’Israël, qui veut interdire toute manifestation de soutien aux droits des Palestiniens, qui subissent l’occupation, la colonisation et les bombardements », a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse.
L’association va contester cette interdiction en déposant, vendredi, « un recours en référé-liberté au tribunal administratif », a-t-il ajouté. Elle avait déposé la demande de manifestation à la préfecture au nom d’un collectif d’une trentaine d’associations, au départ pour commémorer la Nakba (« catastrophe » en arabe), l’exode de centaines de milliers de Palestiniens à la création d’Israël en 1948.
« Et puis les évènements de cette semaine en Palestine sont venus se greffer… On défile pacifiquement, on a fait divers rassemblements ces derniers temps qui se sont toujours passés sans problème », regrette-t-il, estimant cette interdiction « faite pour attiser les tensions, comme en 2014 ».
Plusieurs organisations politiques et associations ont appelé à manifester samedi à Paris et dans plusieurs villes françaises – Toulouse, Lyon, Marseille, Saint-Etienne, Metz… – pour exprimer leur soutien à l’égard de la population palestinienne. Le conflit israélo-palestinien s’est ravivé ces derniers jours, faisant plusieurs dizaines de morts dans la bande de Gaza et sept victimes en Israël.
Mercredi, la préfecture avait interdit un rassemblement à Paris à l’appel de plusieurs organisations, à l’issue duquel Bertrand Heilbronn, le président de l’Association France Palestine Solidarité, a été placé en garde à vue. Son interpellation a suscité l’indignation de plusieurs personnalités politiques à gauche, dont M. Mélenchon. A Grenoble, une manifestation appelée par l’antenne locale de France Palestine Solidarité a réuni quelque 350 personnes, selon la préfecture, sans faire d’incident.
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