Le poids démographique et économique des pays arabo-musulmans dans le monde.

Que représentent les pays musulmans dans le monde ? Il faut d’abord établir une liste, et le plus naturel est de partir des pays membres de l’Organisation de Coopération Islamique (l’OCI). Elle compte 57 adhérents répartis sur quatre principales zones géographiques : l’espace arabo-musulman, noyau historique et central de l’islam, qui s’étire du Maroc à l’Afghanistan, auxquels s’ajoutent deux entités spécifiques : la Turquie et l’Iran. Cette zone se distingue de l’espace sahélo-soudanais, anciennement islamisé, qui s’étend de l’Ouest sénégalais à la corne orientale de l’Afrique.

Vient ensuite l’espace malayo-indonésien, représentatif de l’islam d’Asie du Sud, qui abrite les plus grands pays musulmans au monde. Enfin, quatre anciennes républiques de l’ex-URSS situées en Asie centrale, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, forment un dernier ensemble.


Disparités démographiques.


En augmentation constante, la population de ces vastes espaces rassemble deux milliards d’individus, soit le quart de la population mondiale, un chiffre en hausse continue. Cette progression est à la croisée de deux tendances :


1. un taux de natalité plus élevé par rapport au reste du monde, même si le nombre d’enfants par femme décline et se rapproche des standards occidentaux,
2. et un taux de mortalité en baisse rapide, passé sous la moyenne mondiale. La tendance s’explique par l’amélioration des soins de santé et de l’alimentation, ainsi que par la relative jeunesse des habitants.

Cette vision macroscopique masque cependant des écarts colossaux. Le taux de fécondité est proche ou dépasse six enfants dans les pays situés dans la partie sahélo-soudanaise, tandis que d’autres pays ne garantissent plus le renouvellement des générations. Le même type de disparités se retrouve au niveau du taux de mortalité, avec des variations brutales en liaison avec l’éclatement de conflits armés.


Inachevée, la transition démographique des pays musulmans va se poursuivre, leur part dans la population mondiale va donc continuer de s’élever. Au sein de cet ensemble, le déplacement du centre de gravité vers l’espace sahélo-soudanais et malayo-indonésien est attendu.

Diversification économique au sein de l’espace arabo-musulman.

Cette émergence démographique des pays musulmans n’a pas encore son équivalence en termes économiques : ensemble, ils ont généré moins de 9% du PIB mondial en 2022, un chiffre inférieur au sommet atteint en 2013. Aucun membre de l’OCI n’entre dans le top 10 mondial. Le premier, l’Indonésie, a un poids comparable à l’Espagne avec une population six fois supérieure. Cependant, ces chiffres ne rendent pas compte de la diversité des situations et des mutations profondes de ces économies. Il faut distinguer deux blocs en fonction de leur dépendance aux hydrocarbures :


• Près du quart des pays affiliés à l’OCI sont membres de l’OPEP+, avec une croissance annuelle moyenne supérieure à 3,5% depuis le début des années 2000, se situant nettement au-dessus de la croissance mondiale. Longtemps confisquée et mal utilisée, la rente pétrolière alimente de plus en plus les fonds souverains nationaux qui prennent des participations à l’international, mais orientent aussi de plus en plus les économies domestiques, contribuant à leur diversification, notamment dans l’espace arabo-musulman.

Des projets ambitieux tels que le plan Vision 2030 en Arabie saoudite, Vision 2035 au Koweït ou le projet Phosphate en Algérie illustrent cette dynamique. Développer les industries locales, le tourisme haut de gamme et se spécialiser sur des niches comme la finance, second secteur de l’économie du royaume du Bahreïn, sont les nouvelles voies suivies. Cet effort de diversification se retrouve aussi en Asie du Sud, en Malaisie, mais moins dans l’espace sahélo-soudanais et encore moins en Asie centrale dont la croissance doit beaucoup à sa situation géographique stratégique entre la Chine, la Russie et l’Europe.
• Même sans pétrole, le PIB du second bloc progresse, s’élevant encore plus rapidement et surplombant largement la croissance mondiale, porté notamment par les pays d’Asie du Sud qui ont profité de la percée de la Chine depuis son adhésion à l’OMC. Le faible coût de la main-d’œuvre, le dividende démographique, la puissance du marché intérieur et la spécialisation historique, comme dans l’habillement au Bangladesh, participent aussi à leur essor. Les performances des pays arabo-musulmans hors OPEP+ se situent un cran en dessous, en raison notamment des perturbations du secteur touristique. Cependant, cela ne doit pas masquer la force d’une industrie manufacturière turque diversifiée (textile, meuble, agroalimentaire, sidérurgie, chimie, etc.) ou de la place prise par le Maroc dans l’industrie automobile ces vingt dernières années.

Démographiquement plus puissants, les pays musulmans voient également leurs économies se transformer. Moins dépendantes du pétrole, c’est désormais sur une base sectorielle plus large que se crée leur richesse.

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