Situé sur une éminence à l’ouest de la vieille ville, en face des remparts et de la tour de David, le Consulat jouit d’une position et d’une vue exceptionnelles.
Sa construction, entreprise en 1929, répond à une double exigence politique et esthétique : rappeler le rôle de la France à Jérusalem au moment où le mandat britannique la dépouille de ses anciennes prérogatives, et s’intégrer dans le paysage de la ville éternelle. En combinant habilement simplicité moderne et grandeur classique, la bâtiment construit par l’architecte Marcel Favier transmet l’image d’une nation moderne à la fois respectueuse des traditions et tournées vers l’avenir.
Depuis leur installation en 1843, les consuls généraux n’avaient cessé de se plaindre auprès de l’administration centrale de leurs logements successifs : étroits, insalubres et surtout précaires. Lorsque la compétition internationale pour le contrôle des dépouilles de l’empire ottoman s’accroît, les puissances occidentales se font construire des représentations dignes de leurs positions respectives.
Désireux d’aider la France à se doter d’un hôtel consulaire plus approprié à son ambition, un généreux donateur français, le comte Michel de Pierredon, fait don à la République de la somme nécessaire à la construction de nouveaux locaux. La France achète vers 1910 un terrain de 5054 m2 sur le domaine de la Nikophorie appartenant au Synode de la Confrérie Orthodoxe du Saint Sépulcre.
Un architecte des Beaux-arts fournit un projet ambitieux, dans le style néo-renaissance des constructions religieuses européennes de la fin du XIXe siècle à Jérusalem. La Première guerre mondiale ajourne l’opération et il faudra attendre 1929 pour que soient enfin votés les crédits permettant d’entreprendre la construction.
Dans une lettre du 4 juillet 1927 adressée à son ministère, le Consul général de France en Palestine fixe avec précision les grandes lignes du cahier des charges. Il recommande d’orienter la façade principale vers les murailles de la Vieille Ville.
Il établit une hiérarchie précise des différentes pièces : au rez-de-chaussée, les bureaux seront munis de deux entrées et de deux salles d’attente distinctes destinées à maintenir une stricte séparation entre le public et les visiteurs ; le premier étage muni d’une loggia et d’une véranda comprend les salles de réception et les appartements privés , le demi étage supérieur est réservé aux domestiques ; à l’entrée « une petite maison de style indigène » abrite les « kawas » et les garages. Pour la construction il recommande la pierre massive et un toit en terrasse. Quant à l’aspect, il plaide pour un style sobre et sans ornements.
Le choix de l’architecte se fixe sur M. Marcel Favier, architecte DPLG, ancien pensionnaire de la fondation Wicar à Rome, présent à Jérusalem depuis septembre 1926 pour dresser les plans de reconstruction de la basilique byzantine de l’Eleona (le Pater), sur le Mont des Oliviers.
Marcel Favier amènera avec lui ses collaborateurs, l’ingénieur des Arts et Manufactures Sélim Aboussouan, libanais chrétien résidant à Jérusalem, et l’entrepreneur de Bethléem Morcos Nassar. Les travaux seront commencés fin 1929, seront réceptionnés le 26 mars 1932.
Le quartier environnant l’hôtel consulaire est alors en plein chantier. L’Institut Pontifical, voisin immédiat du consulat, est terminé en 1927 ; l’église écossaise en 1930 ; l’hôtel King David en 1931 ; le YMCA dessiné par A. Loomis Harman, l’architecte de l’Empire State Building, en 1933, en même temps que la somptueuse résidence du Haut Commissaire britannique située au sommet d’une colline voisine. Ces édifices, dus pour la plupart à des architectes anglo saxons, affichent un style éclectique où se mêlent références orientales et occidentales.
Dans ce climat de compétition architecturale, Marcel Favier opte pour une sobriété de décor qui tranche sur les fastes romantiques de ses confrères tout en maintenant un plan et des volumes d’un classicisme adapté à la destination du bâtiment et caractéristique des architectes formés à l’École des beaux-arts.
Le corps de bâtiment principal est orienté à l’Est et perpendiculaire à la rue Paul Emile Botta. Il est relié au bâtiment annexe par une arche qui sépare la cour d’entrée de la cour de service.
La façade d’honneur domine un jardin géométrique à la française qui descend vers le « wadi Er Rababeh » dont le lit rejoint la vallée de la Géhenne quelques mètres plus bas. Bordé de deux allées boisées, le parterre est divisé en son milieu par un canal d’eau (actuellement désaffecté) qui mène vers un grand bassin baptisé « miroir d’eau », ponctué de pots et de sièges en forme de section de colonne. Dans le fond, une pergola procure un coin d’ombre d’où le visiteur peut contempler les murailles de la Vieille Ville à l’abri d’un « moucharabieh ».
L’aspect massif de la façade principale est rompu par le rythme vertical des piliers rectangulaires hauts de deux étages qui soutiennent les portiques et assurent une protection contre le soleil. Au rez-de-chaussée, ces piliers sont reliés entre eux par des arcs en plein cintre. A l’étage d’habitation, ces arcs sont tournés vers l’intérieur et relient les piliers au corps de bâtiment. Ce procédé évite la monotonie d’une façade uniforme et illustre les deux fonctions, publiques et privée, dévolue à chaque étage.
En contraste avec le néoclassicisme imposant de la façade principale, la cour d’accueil avec son pan de mur nu, son asymétrie et sa fenêtre ronde, ainsi que le demi étage supérieur avec son toit de béton arrondi évoquent le style international inspiré par le Bauhaus, caractéristique des constructions des années trente à Tel Aviv et dans le quartier de Réhavia à Jérusalem.
Le éléments décoratifs : fenêtres octogonales, piliers aux angles dégradés et lampadaires du portail d’entrée, pans coupés des plafonds et des portes, grilles et détails du décor intérieur, relèvent d’un style art-déco anguleux et dépouillé.
Si la structure interne du bâtiment et la corniche sont en béton armé, un commentaire de l’architecte suggère que les murs extérieurs sont de pierre massive : »L’hôtel est construit en pierre massive, construction qui se justifie tout à fait dans un pays très riche en belle pierre de construction et dont les ouvriers ont encore conservé à la tradition du beau travail massif, tandis qu’il y a très peu d’ouvriers qualifiés pour la construction en béton ».
Une série d’ordonnances prises par le haut-commissariat britannique à partir de 1918 oblige à revêtir de pierre les façades des nouvelles constructions de Jérusalem, mais celle-ci est généralement utilisée comme parement extérieur de murs en béton. Le choix de la pierre massive relève donc ici d’un véritable parti-pris qui pourrait expliquer le doublement du budget initial.
Pour l’extérieur, l’architecte a utilisé la pierre calcaire rose de Beit Jala dont les nervures colorées animent les surfaces nues, et pour l’intérieur, la pierre calcaire blanche de Bethléem. Les blocs sont transportés sur place puis martelés à la main plus ou moins finement selon leur destination.
Situé à proximité de la ligne de démarcation, le Consulat sera sérieusement endommagé durant la guerre de 1948 par des tirs de balles, des explosions et un obus antichar. Bien protégée par un mur de sacs de terre puis par des ouvrages en maçonnerie, la structure de l’édifice restera cependant intacte.