Le courrier adressé en interne pointe une série de dysfonctionnements dans les procédures et souligne les dommages réputationnels pour le BCG liés notamment aux accusations potentielles « de complicité d’un système facilitant un transfert de population et un nettoyage ethnique, et d’alignement avec des parties accusées de crimes de guerre ». A la suite d’une condamnation en août dernier, le BCG avait communiqué sur le renforcement de ses procédures et contrôles visant à limiter les risques de dérives d’un ou plusieurs associés.

Selon nos confrères du Financial Times, le géant du conseil va renoncer à 14 millions de dollars de profits dans le cadre d’un accord conclu avec le département de la Justice américain.

Les auteurs du courrier enjoignent les instances dirigeantes « à tenir pour responsables tous ceux ayant entraîné le cabinet dans cette situation inextricable », à faire « un don significatif à des agences d’aide approuvées par l’ONU (comme l’UNRWA) » et à allouer des fonds « à des projets pro bono destinés aux Palestiniens affectés ». Ils leur demandent également d’expliquer si certaines procédures « s’appliquent (ou non) au travail avec le gouvernement israélien tant qu’il poursuit sa guerre ».

En réaction, le CEO Monde du cabinet, Christoph Schweizer, qui reconnaît « des défaillances de processus », s’est adressé à l’ensemble des collaborateurs du cabinet. 

« Je regrette profondément que, dans cette situation, nous n’ayons pas été à la hauteur de nos propres exigences et de la confiance que vous, nos clients et nos communautés accordez au BCG. Je suis désolé de la profonde déception que cette situation a causée à de nombreux membres du BCG à travers le monde. »

Au-delà du licenciement immédiat des deux associés ayant piloté ce projet, une enquête a été diligentée par le cabinet avec l’appui d’un conseil externe. « Leurs actions, non autorisées, constituent de graves manquements aux normes du BCG”, le cabinet « les désavouant catégoriquement »

Les associés impliqués sont américains, membres du bureau de Washington.

Le leader du projet, Matt Schlueter, pilotait les questions de défense et de sécurité dans le secteur public à l’échelle mondiale. Le managing director & senior partner était également rattaché à la practice Opérations du BCG.

De son arrivée au BCG en 2014 jusqu’en 2022, il a occupé le poste de président de BCG Federal Corp, une filiale détenue à 100 % par le cabinet, dédiée au marché du gouvernement fédéral américain.

Avant de débuter dans le conseil, Matthew Schlueter avait servi dans l’U.S. Air Force en tant qu’officier spécialiste de l’espace et des missiles, puis en tant qu’officier chargé des affaires étrangères.

Quant au second associé, Ryan Ordway, il faisait partie de l’équipe dirigeante du North American Center for Digital Government du BCG, l’une des initiatives spécifiques au sein de la practice Secteur public. Le managing director & partner a codirigé le soutien apporté par le cabinet au Center for Presidential Transition, une ONG non partisane qui joue un rôle clé aux États-Unis en aidant les équipes des candidats à la présidence et les agences fédérales à préparer et à réussir les transitions présidentielles.

Ancien officier d’infanterie de l’US Army disposant d’une expérience de combat de 15 mois en Iraq et en Afghanistan, Ryan Ordway était un membre actif de Veterans@BCG.

Un porte-parole du cabinet a refusé de donner des détails sur la sélection des personnels engagés sur ce projet.

L’intervention du BCG auprès de la GHF.

Comme Consultor s’en faisait l’écho dès le 6 juin, le BCG a cessé fin mai tout accompagnement de cette agence d’aide humanitaire créée par les États-Unis et Israël, censée empêcher le détournement de l’aide alimentaire par le Hamas.

Dans les faits, la GHF est vivement critiquée par l’ONU et de nombreuses ONG et gouvernements en raison, notamment, de la localisation des centres de distribution dans le sud de la bande de Gaza, qui force la population à se déplacer et la met ainsi en danger.

Le BCG indique que son soutien a commencé en octobre 2024 dans le cadre d’une mission pro bono. Des « travaux ultérieurs » auraient été menés « sans divulgation complète », donnant lieu à l’émission de factures mensuelles dépassant « le million de dollars». Le cabinet affirme désormais qu’il ne sera payé pour aucun des travaux effectués pour le compte de la GHF.

Concrètement, selon le Washington Post, le BCG aurait joué un rôle clé dans la conception des opérations et de la stratégie commerciale de la GHF, élaborant les plans de tarification et d’approvisionnement sous-tendant le réseau d’entreprises de sécurité privées et de construction permettant la distribution de l’aide.

L’équipe de Matthew Schlueter, basée aux États-Unis, avait rejoint Tel-Aviv à la mi-mars pour accompagner le lancement de la GHF.

Par ailleurs, selon des documents divulgués en novembre 2024, la planification de la distribution d’aide alimentaire à Gaza aurait inclus la relocalisation des civils dans des « zones de transition humanitaire », ceux-ci recevant des cartes d’identité leur garantissant un logement temporaire ou un accès à l’aide – ce que la Gaza Humanitarian Foundation dément catégoriquement. Le Washington Post a toutefois pu consulter une présentation du BCG datée du 14 avril y faisant référence.

Sur le volet sécurité du dispositif d’aide, le directeur de la société militaire privée Safe Reach Solutions (SRS), qui protège les centres de distribution de la GHF, Phil Reilly, a en effet œuvré auprès du BCG comme senior advisor de janvier 2017 jusqu’en décembre dernier. L’ex-senior advisor est également un ancien de la CIA où il a passé 29 ans.

Consultor/ 09 Jui. 2025
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SELON L’ORIENT LE JOUR.

L’un des cabinets-conseil les plus prestigieux au monde aurait modélisé des « packages de relocalisation » pour les Palestiniens de Gaza

Le Boston Consulting Group avait participé à la création et au déploiement de la très controversée Fondation humanitaire GHF.

L'un des cabinets-conseil les plus prestigieux au monde aurait modélisé des « packages de relocalisation » pour les Palestiniens de Gaza

Des Palestiniens déplacés portant des fournitures de secours de la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) revenant des centres de distribution d’aide à Rafah vers leurs tentes dans le sud de la bande de Gaza, le 29 mai 2025. Photo AFP

Le Boston Consulting Group (BCG), l’un des cabinets de conseil en stratégie les plus prestigieux au monde, qui a participé à la création et au déploiement de la très controversée Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), a également modélisé les coûts de la « relocalisation » de Palestiniens de Gaza, selon une enquête du Financial Times publiée vendredi, qui cite notamment plusieurs sources informées.

L’équipe de BCG a ainsi élaboré un modèle financier pour la reconstruction post-conflit de Gaza, incluant des estimations de coûts pour la relocalisation de centaines de milliers de Palestiniens hors de l’enclave, ainsi que l’impact économique d’un tel déplacement massif. L’un des scénarios prévoyait que plus de 500 000 Gazaouis quitteraient Gaza avec des « packages de relocalisation » de 9 000 dollars par personne, soit environ 5 milliards de dollars au total. Un autre scénario, plus détaillé, proposait 5 000 dollars en espèces, un loyer subventionné pendant quatre ans et de la nourriture pendant un an. Le modèle estimait que 25 % de la population quitterait Gaza, dont 75 % ne reviendraient pas.

Bien que BCG ait affirmé ne pas avoir conçu ce plan, sa modélisation a suscité une vive polémique en interne fin mai. Le cabinet s’est retiré du projet le 25 mai, a renoncé à ses honoraires et licencié les deux associés impliqués, selon le FT.

 

Ce projet constituait l’autre principal volet de la collaboration entamée fin 2024 par une mission confiée par Orbis, société de sécurité basée près de Washington, visant à réaliser une étude de faisabilité pour une nouvelle opération humanitaire, commandée par le think tank israélien Tachlith Institute. BCG aurait été sélectionné en raison de sa relation avec Phil Reilly, un ancien de la CIA devenu conseiller du pôle défense de BCG, puis fondateur de Safe Reach Solutions (SRS), prestataire de sécurité pour l’opération.

L’autre volet consistait donc à créer et à aider au déploiement de la GHF, soutenue par Israël et les États-Unis, et à appuyer une société de sécurité associée. Selon une déclaration de l’ONU publiée vendredi, plus de 500 personnes ont été tuées aux abords des sites de la GHF depuis la fin mai.

Excuses publiques

Les excuses publiques et le licenciement des deux associés impliqués dans cette initiative israélo-américaine avaient été annoncés début juin par le PDG de BCG, Christoph Schweizer. Celui-ci avait indiqué avoir lancé une « enquête formelle » afin de s’assurer que « cela ne se reproduise plus ». Mais à l’époque, seul le volet concernant la GHF était connu.

La GHF gère actuellement quatre sites de distribution à Gaza, dans une configuration militarisée encadrée par des contractuels de sécurité américains et des forces israéliennes. Les États-Unis ont annoncé la semaine dernière un financement de 30 millions de dollars pour cette initiative, bien que l’origine précise de ces fonds reste floue. L’ONU a qualifié la GHF de « feuille de vigne » pour les objectifs de guerre israéliens, et plusieurs groupes humanitaires ont refusé de collaborer avec elle.

BCG a peu communiqué sur l’ampleur de son implication, décrivant initialement son intervention comme un projet pro bono lancé en octobre 2024 « pour aider à établir une organisation humanitaire opérant aux côtés d’autres efforts de secours ».

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