Un article de i24News (Copyrights). Le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées s’étend sur 14 hectares en surplomb de la Vieille ville de Jérusalem, à ne pas confondre avec le le Mur des lamentations, qui est situé juste en contrebas.

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Wikipedia commonsLe site de l’Esplanade des Mosquées/Mont du Temple

Quel est le statu quo actuel sur le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées ? Pourquoi est-il au cœur des tensions israélo-palestiniennes ? Pourquoi la presse internationale guette à la minute près les évènements sur ce lieu ? 

Ces derniers jours, les réseaux sociaux ont été inondés de vidéos dans lesquelles on voit la police israélienne entrer dans la mosquée al-Aqsa et frapper les hommes présents. Selon ses rapports, des centaines de Palestiniens masqués s’étaient barricadés dans la mosquée et avaient jeté des pierres, feux artifices et autres, perturbant le bon déroulement des prières et constituant une atteinte directe à l’ordre public.

Le chef de la police, Kobi Shabtaï, dans une interview donnée sur une chaîne israélienne, a reconnu, que « malgré la nécessité d’agir », ces images étaient « nuisibles à Israël et servent la propagande terroriste ». Les tensions sur Le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées ont embrasé la région, comme c’est souvent le cas… l’État hébreu a été la cible d’attentats terroristes, et de tirs de roquettes dans le nord comme dans le sud, en pleine fête de Pessah, la Pâque juive. D’autant que, cette année, le calendrier était lui aussi “explosif” avec les fêtes concomitantes du Ramadan, de Pessah et de la Pâque chrétienne.

Mont du Temple ou Esplanade des Mosquées ? 

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Wikipedia commonsLa ville de Jérusalem

Le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées se situe dans la vieille de Jérusalem, à Jérusalem-Est. Dans le judaïsme, le site est considéré comme le lieu le plus sacré. En hébreu, il est appelé “har ha Bayit”, littéralement le Mont du Temple, en référence au Premier Temple qui y a été construit par le Roi Salomon, au 10e siècle avant l’ère chrétienne, selon une chronologie biblique.

Le choix de cette localisation provient d’une identification traditionnelle du Mont du Temple au Mont Moriah, où se serait déroulée la ligature d’Isaac, selon la Bible. Après la destruction du Premier Temple, en -586 avant l’ère chrétienne par les babyloniens, le second a été érigé au même endroit, avant d’être détruit par les soldats romains de la 10e légion en 70 de notre ère. Le Mur occidental ou « Mur des Lamentations », en contrebas, constitue l’unique vestige du Temple construit par Hérode le Grand (le Second).

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Capture video youTubeUltra-orthodoxes juifs près du mont du Temple à Jérusalem

Dans l’Islam, l’Esplanade des Mosquées, en arabe « Haram al-Sharif », le “noble sanctuaire”, est considérée comme le troisième lieu le plus saint, après la Grande mosquée de La Mecque et la mosquée du Prophète de Médine, en Arabie saoudite. Sur le site, se trouve le Dôme du Rocher, une référence également à l’épisode biblique de la ligature, non pas d’Isaac, mais d’Ismaël, selon le Coran, par Ibrahim (Abraham).

La fameuse mosquée al-Aqsa, littéralement “la lointaine”, évoque le voyage nocturne du prophète Mahomet. La sacralité du site remonte à la conquête de la terre sainte par le Calife Omar des mains des Byzantins en 638 de notre ère. D’après l’historien français Vincent Lemire, “Jérusalem, histoire d’une ville-monde (éd. Flammarion, 2006)”, Jérusalem va entrer dans la symbolique musulmane comme ville sainte dès le VIIe siècle.

AFP / Ahmad Gharabli
AFP / Ahmad GharabliLes fidèles musulmans prient près du Dôme du Rocher et de la mosquée Al-Aqsa, située sur l’enceinte du Mont du Temple à Jérusalem, lors des prières du troisième mois du mois sacré du Ramadan

Maintien du statu quo sur l’esplanade des Mosquées ? 

Le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées est sous la responsabilité du Waqf de Jérusalem, fondation islamique en charge de lieux saints comme des mosquées mais aussi des écoles, des musées et autres. La présence du Waqf, appelée aussi « Autorité de Dotations Religieuses Islamiques » remonte à l’époque de Saladin, quand il reprit Jérusalem aux mains des Croisées en 1187. Mais le Waqf actuel est financé et contrôlé par le gouvernement jordanien.

En 1948, après la guerre d’indépendance d’Israël, Jérusalem Ouest devient la capitale du jeune État hébreu. Mais la partie arabe comprenant la vieille ville est annexée par la Jordanie. En 1967, après la guerre des 6 jours, Tsahal rentre dans la vieille ville et Jérusalem est réunifiée. Pourtant, le général Moshe Dayan décide de laisser en place le Waqf jordanien en charge de l’Esplanade des Mosquées.

STRINGER / AFP
STRINGER / AFPPhoto prise en juin 1967 dans la vieille ville de Jérusalem montrant le chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne, le général Yitzhak Rabin (à droite) et le ministre israélien de la Défense Moshe Dayan (au centre) pendant la guerre des Six jours

Depuis, il a été admis qu’Israël serait responsable de la sécurité autour du périmètre du site, tandis que le Waqf de Jérusalem, contrôlé par la Jordanie, serait responsable de ce qui se passe dans l’enceinte. Le traité de paix entre Israël et la Jordanie signé en 1994 a officialisé la situation. Quand nous parlons du statu quo aujourd’hui, il s’agit de celui qui a été mis en place en 1967. Il inclut que seuls les musulmans peuvent prier sur l’esplanade. Quant aux non-musulmans, ils peuvent s’y rendre à des heures précises sans prier et l’entrée dans la mosquée al-Aqsa leur est interdite.

L’extrême droite israélienne en faveur d’un changement du statu quo 

 Récemment, des groupes d’extrême droite israéliens, dont le parti politique Otzma Yehudit mené par le ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, ont fait pression pour changer le statu quo sur Le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées afin de pouvoir prier sur le site et peut-être même, un jour, de construire le « Troisième Temple ». Toujours selon Vincent Lemire, “il y a désormais pratiquement 50 000 fidèles juifs qui y montent tous les ans, alors qu’on estime qu’ils étaient à peu près 2 000 il y a une dizaine d’années.”

Ce nouveau phénomène irrite la communauté palestinienne. Dans la même lignée, la visite d’Itamar Ben Gvir, nommé ministre, début janvier, a provoqué un tollé médiatique et a été vécu comme une provocation par certains Palestiniens. Cette visite n’est pas sans nous rappeler la visite controversée d’Ariel Sharon en 2000, dans un contexte de tensions similaires à la situation actuelle, précédant la deuxième Intifada (2000-2005).

Même si on ne peut pas parler de troisième Intifada, il est clair qu’Israël subit une nouvelle vague de terreur inédite depuis mars dernier. C’est pourquoi Tsahal a lancé, il y a plus d’un an déjà, l’opération “Briser la vague”, pour prévenir d’autres attaques terroristes contre ses civils. Depuis le mois de janvier 2023, on recense 19 victimes du terrorisme en Israël.

AP Photo/Mahmoud Illean
AP Photo/Mahmoud IlleanDes Juifs visitent le Mont du Temple, le 7 août 2022

Instrumentalisation de la narrative de la défense d’al-Aqsa par les groupes terroristes 

Les tirs de roquettes de ces derniers jours nous ramènent à ceux qu’Israël a connu pendant onze jours en mai 2021, déclenchant l’opération “Gardien des Murs”. Le Hamas avait menacé directement Israël puis était passé à l’action en tirant des roquettes sur Jérusalem après le défilé des drapeaux lors de la journée de Jérusalem. Même si la marche s’était terminée au Mur Occidental et non au Mont du Temple/Esplanade des Mosquées, le Hamas l’avait utilisé comme prétexte à une escalade de violence.

De manière générale, le narratif de la protection de la mosquée al-Aqsa est centrale dans la propagande des groupes terroristes comme le Hamas ou le Hezbollah, qui instrumentalisent ces frictions pour mener à bien leurs agendas politiques respectifs. Par ailleurs, l’exemple de la “Brigade des martyrs d’al-Aqsa”, créée dans les 2000 comme branche armée du Fatah, nous rappelle que cette propagande est déjà bien ancrée dans les esprits.

Mais aujourd’hui, plusieurs “brigades” ou plutôt réseaux terroristes apparues en Cisjordanie se font appeler également “les Brigades des martyrs d’al-Aqsa”. Ces cellules terroristes opèrent de manière indépendante, et n’ont ni direction centrale ni hiérarchie structurelle établie.

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