En 2013, au Portugal, une loi a été passé qui devait faciliter l’obtention de la nationalité portugaise pour les descendants des juifs expulsés du pays à la fin du XVe siècle. Elle visait à réparer un tort vieux de plus de cinq cents ans : l’immense préjudice causé par le roi Manuel Ier (1469-1521) aux Juifs de son royaume.

Mais dix ans plus tard, la loi de 2013 apparaît comme un texte bien intentionné mais mal pensé et, surtout, très mal appliqué, dont les dérapages ont permis à des dizaines de milliers d’étrangers de devenir Portugais (56 786, selon les chiffres officiels de décembre 2022), dans des conditions parfois douteuses. Si l’Espagne a promulgué à son tour une loi du retour applicable aux descendants de Séfarades, elle l’a fait en fixant des conditions assez strictes : non seulement les demandes sont circonscrites dans le temps, mais les requérants doivent parler un minimum d’espagnol, se soumettre à un test de connaissances et faire acte de présence pour déposer leur candidature.

Au Portugal, en revanche, si la loi stipule bien que les postulants ne doivent pas être passés par la case prison, elle ne fait l’objet d’aucune limitation temporelle. De plus, les candidats n’avaient nul besoin de parler la langue ou de mettre les pieds dans le pays pour accompagner leur candidature. Et c’est à partir de là que les excès ont commencé car certains y ont vu un sésame leur ouvrant l’espace Schengen et ses nombreux avantages (libre circulation, accès facilité à de nombreux pays hors Union européenne, système de soins, etc.).

De plus, l’administration s’en est remise aux communautés juives de Lisbonne et de Porto pour apporter les preuves de descendance de ceux qu’on appelle les « sefarditasé »  et ainsi, la Communauté israélite de Porto  a fourni, pour M. Roman Abramovitch, un certificat de descendance signé par le rabbin russe Alexandre Boroda, intime de Vladimir Poutine et président de la Fédération des communautés juives de Russie, organisme dont le conseil d’administration compte parmi ses membres un certain… Roman Abramovitch.

Les Portugais ont découvert qu’un autre oligarque, Andreï Rappoport, était déjà devenu leur compatriote en 2018, toujours grâce à la fameuse loi et que trois demandes supplémentaires, émises par de riches hommes d’affaires russes, étaient encore en attente d’approbation par le ministère de la justice à l’automne 2022. Un ex-patron du Mossad, les services secrets israéliens, est lui aussi devenu Portugais, tout comme douze internationaux de foot israéliens, qui ont obtenu leur naturalisation pour pouvoir jouer dans des équipes européennes..

Ce système de demandes de passeports était devenu un véritable business pour des avocats qui ont abusé du système, allant même jusqu’à faire des publicités dans certains pays. L’homme clé du dossier serait l’avocat portugais Francisco Almeida Garrett qui aurait mis la main sur la structure et  la fortune de la CIP proviendrait de trois sources principales : les sommes exigées pour l’instruction des très nombreux dossiers, les dons des requérants et des contributions directement versées par les avocats chargés des dossiers de demande de nationalité.

Aujourd’hui, la procédure est gelée et les services engorgés par le travail en attente. Les membres de la Communauté israélite de Lisbonne souhaitent faire corriger le décret de 2015 mais dénoncent le mélange de lenteur et de précipitation avec lequel le gouvernement a procédé pour la dernière révision de la loi, mettant finalement le couteau sous la gorge des dirigeants de la CIL.

Source : Le Monde (résumé)

 

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