Des agriculteurs corses en voyage d’étude en Israël.
- Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’organiser un voyage d’étude en Israël ?
Il y a vingt ou trente ans, des Israéliens étaient venus chez nous, en Corse, pour un voyage d’étude. Ils avaient demandé à des agriculteurs riverains du Golu, où allait toute cette eau qui courait dans le fleuve. “A la mer”, leur avait-on répondu : ils ont failli faire une apoplexie ! Pour eux, tout ce gaspillage d’eau, c’était inimaginable ! Ils étaient déjà très en avance sur nous.
Alors quand en novembre 2021, une nouvelle délégation israélienne est venue rencontrer des agriculteurs corses, ça nous a paru comme une évidence : il fallait faire ce voyage d’étude là-bas. Les Israéliens nous ont demandé si nous étions intéressés par des échanges sur les pratiques agricoles, des échanges commerciaux… Ils sont à la pointe de la gestion de l’eau : ils ont tout de même fait fleurir le désert ! Leur approche du développement agricole, pour gagner en autonomie alimentaire, pour mettre en place une politique agricole performante, ça aussi, ça nous intéresse ! D’autant qu’ils sont en dehors de l’Union européenne : c’est un système totalement différent du nôtre… mais manifestement, ça marche !
- Qu’entendez-vous par “ politique agricole” ?
Ce qui nous intéresse, c’est de voir leur processus de décision : comment à partir d’un problème identifié sur le terrain, ça remonte au pouvoir de décision, puis ça redescend pour être pris en compte sur le terrain. Comment ils organisent la gouvernance d’un territoire qui ne peut pas se permettre de mourir de faim. Nous, nous sommes une île. Eux, ils sont entourés de territoires hostiles : ils sont peut-être encore plus isolés que nous. Pour eux, l’autonomie est une question de survie. C’est un pays qui a une géographie difficile. Mais pourtant, il vit, il nourrit sa population. Ça nous intéresse de savoir comment ils font.
- Est-ce que vous voyez d’autres points communs entre Israël et la Corse ?
Les températures élevées, le problème de la sécheresse : des points sur lesquels ils ont beaucoup d’avance sur nous. Et puis ils ont des productions agricoles qui sont assez proches des nôtres. L’agriculture est un élément fondamental de l’économie corse : eux, on peut dire que leur État a été fondé sur l’agriculture, avec notamment les Kibboutz.
- Quel est votre programme ?
– Il y a environ soixante agriculteurs et accompagnants inscrits. Et pour monter ce programme, nous avons bénéficié de fonds européens dédiés exclusivement à des échanges de pratiques entre agriculteurs.
Nous avons prévu de passer une semaine sur place, du 17 au 24 novembre. Comme nous arriverons un jeudi, les deux jours qui suivent correspondent à leur week-end. Nous en profiterons pour faire un peu de tourisme, à nos frais personnels : Qumran et les manuscrits de la mer morte, Massada, Jérusalem, … et une baignade dans la mer morte ! Le travail proprement dit commencera vraiment le dimanche, avec un programme extrêmement serré, non-stop de 8 heures du matin à tard le soir, puisqu’il est également prévu des conférences après le dîner.
Beaucoup de visites sur le terrain, avec des rencontres d’agriculteurs dans toutes les filières : cultures d’agrumes, d’avocats, d’amandiers ; viticulture ; élevage… Des rencontres aussi au niveau du Ministère de l’Agriculture, de leur Centre de recherche Volcani. Également tout un volet sur l’eau, avec notamment la visite d’une usine de désalinisation, et d’un centre de traitement et de réutilisation de l’eau… Nous allons aussi rencontrer différentes start-ups qui travaillent sur des technologies agricoles innovantes.
Ça sera très dense, avec beaucoup, beaucoup de thèmes que nous pensons explorer : cela va des orientations stratégiques de la politique agricole – avec leur mise en œuvre – jusqu’à une réflexion sur la décentralisation de l’agriculture corse, dans le cadre d’une région plus autonome, à l’organisation du marché de distribution, en passant par l’agriculture connectée et l’intelligence artificielle, les solutions aux problèmes liés à la chaleur, au stress hydrique, les productions naturelles pour nourrir les animaux avec “la forêt comestible”, la protection de l’environnement…
Et deux points auxquels je tiens beaucoup : l’agrivoltaïsme, c’est-à-dire comment travailler sous des panneaux solaires pour limiter l’évapotranspiration des plantes ; et le diagnostic carbone, ou comment les Israéliens mesurent, en direct, leur bilan carbone : ce qui est très intéressant dans la perspective d’un élevage pastoral.
- La question qui fâche : la façon dont Israël se comporte vis-à-vis des Palestiniens, ça ne vous gêne pas ?
Bien sûr, il y a des choses qui peuvent nous gêner. Mais c’est un voyage centré sur les questions agricoles. Un voyage professionnel. Nous avons avec les Israéliens des problématiques agricoles communes. On y va pour apprendre un certain nombre de choses, rien de plus.
Trouver des idées applicables chez nous pour une meilleure gestion de l’eau, une meilleure gestion de l’environnement, pour nous rapprocher d’une plus grande autonomie alimentaire : donc pour construire une agriculture qui produise suffisamment, mais dans le respect de l’environnement.
Les Israéliens vivent dans un environnement extrêmement hostile qui les oblige à ne compter que sur eux-mêmes et à imaginer des réponses pour survivre. En ce qui nous concerne, nous avons précisément besoin de cet état d’esprit inventif pour trouver des solutions à nos problèmes !
© Equipe de rédaction Israël 24/7.org
Source : https://www.corsenetinfos.corsica