Tout a commencé, ou plutôt recommencé début juin, quand la plateforme de forage qui doit être installée au large de Haïfa, a atteint le site de Karish. Il faudra encore trois ou quatre mois avant le démarrage de l’exploitation, mais pour Beyrouth, c’est déjà le signal rouge. Le président Aoun a parlé de « violation de souveraineté » par Israël et averti que la mise en activité de la plateforme serait considérée comme un « acte d’agression ».
En fait, le litige frontalier entre le Liban et Israël dure depuis plus de vingt ans, depuis qu’Israël s’est retiré du sud-Liban au printemps 2000, mais il était seulement terrestre. Et depuis quelques années, le contentieux est devenu beaucoup plus compliqué. En 2008, Israël découvre du gaz dans ses eaux économiques et notamment à 80 km au large de Haïfa sur le site de Karish. Un an plus tard, il délivre les premières licences d’exploration et en 2016, la société Energean acquiert les droits d’exploitation du gisement de Karish.
Et cela va aiguiser les appétits des Libanais qui s’étaient jusque-là désintéressés de leurs frontières maritimes et de leurs eaux économiques, et pas seulement avec Israël, mais aussi avec la Syrie et Chypre. Ils comprennent alors qu’ils sont en train de passer à côté d’une considérable source de revenus. Face à Israël, les revendications libanaises portent sur une surface de 860 km2. En 2012, des pourparlers sont engagés par l’intermédiaire des Etats-Unis, dont la proposition de compromis est acceptée par Jérusalem, mais repoussée par Beyrouth.
En 2020, alors que l’exploitation de Karish, qui devait démarrer est retardée par l’éruption de la pandémie de Covid, le Liban demande à reprendre les tractations, mais en ajoutant plus de 1.400 km2 à ses revendications initiales, de façon à englober le site gazier de Karish, sauf que le président libanais ne ratifie pas la nouvelle carte. Et c’est aussi l’époque où le Liban s’enfonce de plus en plus dans la crise économique et politique, encore aggravée par l’explosion meurtrière du port de Beyrouth en août 2020. Quelques mois plus tard, les négociations reprennent pourtant par l’entremise des Etats-Unis, mais là encore, sans déboucher sur un accord.
Et depuis, le Hezbollah, qui avait tout d’abord soutenu le principe des négociations, qui étaient d’ailleurs placées sous la conduite du président du parlement libanais, le chiite Nabih Berri, change de cap. Et Hassan Nasrallah menace maintenant Israël de représailles s’il entame l’exploitation du gaz revendiqué par le Liban. Les responsables de la défense israélienne n’avaient pas attendu les menaces du Hezbollah pour organiser la protection de son site off-shore, pour laquelle la marine de Tsahal dispose de bâtiments spécifiques, et même des batteries antimissiles Dôme de Fer, spécialement mises au point pour être embarquées sur ses frégates.
Israël a également développé une véritable alliance économique et stratégique avec ses voisins de Méditerranée orientale, Grèce, Chypre et Egypte, autour de l’exploitation du gaz. Et ce partenariat devient de plus en plus intéressant alors que l’Europe, privée du gaz russe, a besoin de trouver des fournisseurs de substitution.
Le Hezbollah, largement responsable du chaos où se débat le Liban, pourrait une nouvelle fois chercher à faire diversion en détournant l’hostilité contre Israël. Pourtant, le Liban aurait avantage à parvenir à une solution négociée avec Israël, quitte à réduire ses prétentions.
Pascale Zonszain