La nouvelle cheffe du parti travailliste israélien Merav Michaeli mise sur le féminisme, l’environnement et une opposition musclée au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour « renouveler » une gauche à l’agonie, confie-t-elle dans un entretien à l’AFP à l’approche des élections du 23 mars.

Depuis qu’elle a pris en janvier la tête du parti « Avoda », formation ayant dirigé Israël pendant des décennies mais aujourd’hui reléguée à un rôle marginal, la cinquantenaire, au regard franc, prône un discours plus combattif pour tenter de faire renaître la gauche de ses cendres.

« Le parti travailliste a perdu sa crédibilité et sa colonne vertébrale (…), il avait perdu sa confiance en lui », reconnaît-elle dans un entretien en hébreu dans les bureaux à Tel-Aviv de la formation jadis menée par David Ben Gourion et Golda Meir.

Fort de 44 sièges sur 120 en 1992, à l’époque de Yitzhak Rabin, le groupe ne compte plus qu’une poignée de sièges au Parlement et mène, en vue des élections législatives du 23 mars –les quatrièmes en deux ans–, une campagne pour sa survie.

« Ce devrait être le parti de gouvernement de centre-gauche, celui capable de renouveler le pays et de le mettre sur les rails », dit-elle en accusant Benjamin Netanyahu, chef du Likoud (droite) au pouvoir depuis 2009, d’avoir fait du « mot +gauche+ une insulte » en Israël.

Pourtant, elle en est convaincue, la société israélienne dans son ensemble est favorable au pluralisme, à l’égalité, à la séparation entre la religion et l’Etat mais aussi à une économie sociale démocrate, « humaine » et aux valeurs incarnées par la gauche.

« Une petite majorité est même encore favorable à la solution des deux Etats », une Palestine indépendante et viable aux côtés d’Israël, glisse-t-elle.

– « Tout reconstruire » –

Pour ressusciter une formation qui régnait autrefois en maître sur la scène politique, cette ancienne chroniqueuse au grand quotidien Haaretz, qui a fait de la « vérité » en politique son cheval de bataille, doit reconquérir le coeur des sympathisants de gauche et toucher un électorat plus large.

« C’est beaucoup de travail, il faut communiquer et communiquer encore, et surtout ne pas avoir peur », dit Mme Michaeli. Elle reproche à son parti d’avoir trahi ses principes par le passé en « rejoignant trop de fois des gouvernements de droite ».

Résultat: le parti a perdu de sa crédibilité.

« Il faut donc tout reconstruire aujourd’hui », assène la candidate aux législatives, dont la formation n’a récolté que sept des 120 sièges lors des dernières élections en mars 2020. Et ce, malgré une association avec les partis de gauche et du centre, Meretz et Gesher.

Après ce scrutin, la députée Michaeli avait refusé de rejoindre le gouvernement d’union formé par M. Netanyahu et le centriste Benny Gantz, contrairement au chef du parti qu’elle a depuis remplacé, Amir Peretz, nommé ministre de l’Economie.

Signe qu’elle est peut-être sur la bonne voie? Les sondages, qui annonçaient la disparition du parti avant qu’elle en prenne les rênes, le créditent aujourd’hui de six sièges à lui seul, sans alliance.

– Contre le « Netanyahuisme » –

En politique depuis 2013, l’unique femme à la tête d’un parti potentiellement capable d’intégrer le Parlement s’attaque à tous les sujets: la crise du coronavirus, mal gérée par le Premier ministre selon elle, la menace iranienne mais aussi les enjeux liés au changement climatique, généralement peu traités par les partis israéliens.

L’ancienne journaliste et militante féministe a juré de ne jamais s’allier à Benjamin Netanyahu, accusé de corruption, fraude et abus de confiance dans une série d’affaires et dont le procès doit reprendre après le scrutin du 23 mars.

Mais elle reconnait qu’il faudra peut-être, après les élections, envisager des alliances pour l’évincer du pouvoir, notamment avec des partis de droite dont celui du conservateur Gideon Saar, déserteur du Likoud.

« La question la plus importante de ces élections: est-ce que Netanyahu va avoir 61 mandats ou plus pour former son gouvernement ou si c’est le bloc du changement qui va recevoir 61 mandats », assène-t-elle.

Mais « remplacer Netanyahu ne suffit pas, il faut aussi remplacer le « Netanyahuisme », assure la cheffe de parti, rappelant: « Des empires plus puissants que celui de Netanyahu sont tombés ».

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