Michel Boujenah sera sur scène en Israël pour nous faire à nouveau rire et pleurer avec Les adieux des magnifiques.
PROPOS RECUEILLIS PAR AVRAHAM AZOULAY
Lph New. Michel Boujenah, on vous a vu récemment à l’enterrement de Jean-Paul Belmondo : c’était un ami à vous ?
Michel Boujenah. Disons que je faisais partie de son deuxième cercle. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion de travailler ensemble, notamment sur des tournages, et c’était un personnage très sincère et sympathique, tel
qu’il se présentait publiquement.
Et vous, quel est votre premier cercle ?
M.B. Le plus souvent, c’est l’humour qui me lie aux gens. La plupart de mes amis appartiennent au monde du théâtre, ce ne sont pas forcément des gens connus.
Vous êtes un acteur de théâtre, mais aussi de cinéma. Qu’est-ce que vous préférez ?
M.B. J’affectionne particulièrement, lorsque je suis seul sur scène, la liberté qui m’est offerte : je peux tout faire, tout dire, tout inventer. Quand je joue au cinéma, je dois me mettre dans la peau d’un personnage et je suis tenu d’évoluer à l’intérieur d’un cadre. Enfin, lorsque je suis metteur en scène, je suis aux premières loges pour exprimer et traduire mes idées.
Concernant le spectacle que vous allez interpréter seul sur scène lors du Festival du théâtre français en Israël, Les adieux des magnifiques : est-ce une reprise du spectacle Les magnifiques que l’on connaît ?
M.B. On va les retrouver, mais replacés dans un contexte actuel. C’est l’histoire de trois vieux Juifs tunisiens, qui sont « magnifiques » pour moi car ils appartiennent à ma légende personnelle. Pour moi, ce sont des héros.
Vous les avez inventés ou ont-ils réellement existé ?
M.B. C’est un mélange de personnages que j’ai connus, croisés, créés… Mes textes ont été inspirés par des milliards de choses, y compris par mes rêves. Ces trois vieux magnifiques vendent des pantalons dans un tout petit magasin, et ils passent leur temps à se disputer. Alors lorsqu’un client rentre, ils lui disent : « Tu ne vois pas qu’on est en train de se disputer ?! »
Régulièrement, ils sont confrontés à leurs femmes, leurs enfants et leurs petits-enfants. Dans leur famille, il y a un garçon dont la mère veut absolument qu’il soit acteur ; seulement, « Victor Boutboul » en tête d’affiche pour Hamlet de Shakespeare à la Comédie-Française, ça ne fonctionne pas ; l’affiche tombe, elle n’adhère pas au mur ! (rires)
Est-ce que l’écriture est une thérapie, pour vous ?
M.B. Écrire, jouer : tout est passionnant. J’ai une chance extraordinaire. L’idéal, c’est de trouver les mots qui correspondent à mes émotions. Lorsque j’y parviens, le public est systématiquement touché. Raconter des histoires, c’est toute ma vie ! Et cela s’est imposé à moi, je ne l’ai pas choisi.
Quand, à 14 ans, en classe, j’ai raconté Le Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart à mes camarades, j’ai réalisé que lorsque je racontais des histoires on m’écoutait, on ne se moquait pas de mon accent et j’étais heureux. J’ai
compris que je devais assumer cet accent qui fait partie de ma façon d’être. Il est vrai que ce livre incroyable, qui raconte l’histoire des Justes à travers les temps, est lié à mon histoire, au fait que je suis juif.
À 14 ans, vous saviez déjà que vous seriez comédien ?
M.B. Pas encore, mais je faisais déjà beaucoup rire mon entourage dans les surprises-parties.
Les gens demandaient qu’on arrête la musique pour m’entendre raconter des histoires avec mon accent. Ils riaient comme si j’étais un animal de cirque, un phénomène folklorique – surtout que j’étais à l’École alsacienne, un établissement élitiste.
Fin octobre, vous viendrez en Israël pour monter sur les planches. En ressentez-vous une émotion particulière ?
M.B. Complètement ! Venir en Israël n’est pas anodin pour moi. C’est un pays que j’aime, avec ses qualités et ses défauts. C’est le pays des Juifs ! Ma vie, mon destin, mon histoire ne sont plus les mêmes depuis qu’Israël existe.
Je me sens protégé par l’existence même de l’État d’Israël. Si je devais choisir un lieu pour y vivre, ce serait probablement un lieu moyenoriental comme Yaffo. Le pays est si petit et en même temps il y a une telle diversité de régions ! En tout cas, je m’y sens chez moi.
Est-ce que ce sera la première fois que vous jouerez votre spectacle ?
M.B. Non, je vais tout d’abord le jouer dans plusieurs salles en France à partir du 22 septembre. Et après mon passage en Israël, les 27 et 31 octobre à Tel-Aviv et Ashdod, je retournerai poursuivre ma tournée en France.
Puis je reprendrai L’Avare, dont le spectacle a été interrompu l’année dernière à cause du Covid, après sept représentations.
Ce spectacle, Les adieux des magnifiques, s’inscrit-il dans la continuité de vos autres one-man-show, ou est-ce que vous innovez ?
M.B. J’ai 69 ans. Je sais que je n’aurai peut-être bientôt plus l’énergie d’interpréter ces trois personnages que j’aime et auxquels je suis attaché. C’est donc émouvant, pour moi, de les faire revivre sur scène, dans un adieu. Pour ne pas les quitter, j’aimerais d’ailleurs en faire un film : là, au moins, je pourrais les immortaliser.
Vous allez donc jouer vos Adieux des magnifiques, dans le cadre du Festival du théâtre français en Israël, organisé par Steve Suissa ?
M.B. Oui. Steve est un ami qui est parvenu à monter ce festival de manière formidable, tout comme il a réussi avec brio à pérenniser l’émission télévisée du dimanche matin sur le judaïsme, en prenant la relève de Josy
Eisenberg. Concernant ce festival, il me permettra, et j’en suis ravi, de retrouver le public francophone en Israël, et également de bons amis qui vivent dans le pays.
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