Il estime toutefois qu’on peut « limiter la casse en inventant chez soi des rituels du deuil, avec des photos, des prières si l’on est croyant, en parlant du défunt dans les semaines et les mois qui viennent ».
Courrier et mysticisme
Comment garder le contact notamment avec nos anciens qui sont dans des EHPAD désormais fermés au public ? « Il faut retrouver la boîte postale, le courrier d’antan, leur envoyer des lettres. Peut-être que quelqu’un dans l’EHPAD leur lira. Ça permet de maintenir des substituts de liens. »
Pour Boris Cyrulnik, l’autre phénomène qu’on pourrait observer, c’est un retour en force des croyances : « Quand les gens sont très anxieux, très coupables, il y a ensuite un rebond de mysticisme, comme on l’a vu à Haïti ou en Amérique du Sud. Dans beaucoup de cultures, quand le rituel du deuil est mal fait, ou bien les gens se sentent très mal pendant longtemps, ou bien il y a un rebond de mysticisme. »
Vers un renversement des valeurs ?
Le neuropsychiatre en est persuadé, il y aura un avant et un après Covid-19. « J’entends parler de crise, mais la définition de la crise c’est qu’après, ça repart comme avant. Là, c’est une catastrophe, pas une crise : ça repartira, mais pas comme avant. On va voir des règlements de comptes, des gens qui auront manifesté leur courage et d’autres qui auront participé à la diffusion du virus, comme ça s’est passé pendant toutes les épidémies, la peste noire ou le choléra. »
D’ailleurs, pour lui, on assiste déjà à un bouleversement : « Actuellement, on est en train de massacrer l’argent, la rentabilité pour sauver des vies humaines, alors que jusqu’à présent on se résignait. _Pour la première fois dans l’Histoire humaine, on fait passer la vie des individus avant l’économie_. »
« Après chaque catastrophe, il y a un changement de culture », promet le neuropsychiatre. « Il y a eu beaucoup de catastrophes, des guerres, des catastrophes naturelles… Après chacune, la vie reprend, mais pas comme avant. Et on voit une hiérarchie des valeurs sociales complètement métamorphosée. Les politiciens vont nous dire : on peut repartir comme avant. Mais si on repart comme avant, on va remettre en place les mêmes conditions que celles qui ont mené à la catastrophe. »
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