Cybersécurité : pourquoi Wiz a refusé les 23 milliards de dollars de Google

La start-up israélienne préfère attendre afin de maximaliser les chances d’une prochaine introduction en Bourse. Pari risqué ?

De le correspondante Le Point à Jérusalem,

Dans le hall d'entrée de la société Google, dans le sud de Manhattan, à New York (États-Unis), le 2 avril 2024. 
Dans le hall d’entrée de la société Google, dans le sud de Manhattan, à New York (États-Unis), le 2 avril 2024.  © Anthony Behar/Spus/Abaca

Vingt-trois milliards de dollars. « Non, merci », a finalement répondu Assaf Rappaport, le patron de Wiz, une start-up israélienne spécialisée dans la protection du cloud. C’est par un courriel envoyé à ses employés, mardi 23 juillet dans la nuit, qu’il a annoncé qu’il renonçait à vendre sa start-up à Google, préférant attendre afin de maximaliser les chances d’une prochaine introduction en Bourse.

De fait, tout avait commencé le 15 juillet dernier, lorsque le Wall Street Journal avait révélé l’offre d’acquisition de Wiz par Google et plus précisément sa société mère Alphabet. Toujours de même source, on avait évoqué des pourparlers avancés en vue d’un accord historique : 23 milliards de dollars, soit près de deux fois l’achat de la société Motorola par le géant américain en 2012. Un exit historique pour la high tech israélienne, qui s’était enorgueillie de la vente, en 2015, de Mobileye à Intel, pour la somme de 14,3 milliards d’euros.

Reprenant l’information du WSJ, l’ensemble des journaux économiques israéliens avaient, depuis, multiplié les articles les plus élogieux sur Assaf Rappaport et ses trois associés, Yinon Costica, Ami Luttwack et Roy Reznik, quatre jeunes d’à peine 40 ans, déjà titulaires d’une carrière prestigieuse.

Après s’être connus à l’armée, au sein de la fameuse unité de renseignement technologique 8200, ils avaient créé Adallom, vendue à Microsoft, en 2015, pour 320 millions de dollars. Les quatre « mousquetaires » ont ensuite dirigé le groupe de sécurité en cloud de Microsoft Azure, avant de partir pour fonder, toujours ensemble, Wiz.

Rentrées dans les caisses de l’État.

Depuis sa dernière levée de fonds en mai dernier – 1 milliard de dollars –, l’entreprise est estimée à 12 milliards de dollars (11 milliards d’euros). En page de couverture, pour son supplément du week-end dernier, le quotidien économique The Marker avait publié une photo d’Assaf Rappaport avec cette légende : « Un sourire à 23 milliards de dollars. »

Au-delà de la technologie israélienne, pour qui un tel exit allait apporter une impulsion bienvenue à la locomotive de l’économie israélienne qui accumule, depuis plus d’un an, les mauvaises nouvelles – la faute à la réforme judiciaire voulue par le gouvernement, puis la guerre à Gaza –, d’autres acteurs de la vie économico-financière se sont pris à rêver.

D’abord le fisc israélien qui, en cas de signature du deal, aurait engrangé la coquette somme de 2,6 milliards de dollars, sans oublier les 200 millions de dollars d’impôts récupérés sur les employés israéliens de Wiz, environ un tiers des salariés de la société israélienne. Des rentrées substantielles dans les caisses de l’État. Même si cela n’aurait pas suffi à combler l’énorme déficit budgétaire.

L’effet de buzz

Las ! Depuis quarante-huit heures, fini de rêver. Les dirigeants de Wiz ont fait un autre choix : celui de continuer à grandir en atteignant, d’ici un an à un an et demi, des recettes annuelles de 1 milliard de dollars, leur permettant d’aller en Bourse et de devenir un géant de la cybersécurité comme Palo Alto qui vaut aujourd’hui plus de 100 milliards de dollars.

Mais Assaf Rappaport a quelques atouts dans sa manche. À commencer par l’effet de buzz. En faisant, pendant une semaine, les gros titres dans le monde entier, la jeune start-up israélienne a créé l’image d’une société qui joue dans la cour des grands. Une image qui vient s’ajouter à la reconnaissance dont bénéficiait Wiz : celle d’une technologie présentant la solution la plus large en matière de protection du cloud.

Décider de l’avenir de leur entreprise

L’autre point positif de l’annulation du deal pourrait être local. En effet, les entrepreneurs israéliens dans le domaine de la cybersécurité, et peut-être au-delà, devraient comprendre que leur horizon ne se limite pas seulement à la vente rapide, pour des centaines de millions, aux grandes compagnies mondiales.

Ces mêmes entrepreneurs, qui craignent de s’opposer à la domination des investisseurs dans leur société, pourront désormais s’appuyer sur l’exemple de Rappaport et de ses associés pour décider de l’avenir de leur entreprise. Bien sûr, avec les investisseurs mais sans que ces derniers aillent à l’encontre de leur propre volonté entrepreneuriale.

Que s’est-il passé pendant ces huit jours de négociations ? En l’absence, à ce stade, d’une histoire détaillée, l’heure est aux questions : est-ce Google qui a finalement renâclé, craignant, entre autres, une décision défavorable du régulateur américain ? Le refus est-il vraiment venu du quatuor directorial de Wiz ?

En dégainant le premier, par l’envoi de son e-mail le 23 juillet à 19 heures (heure de la Silicon Valley, en pleine nuit, en Israël) dans lequel il disait non à Google, Assaf Rappaport a aussi mis en place un narratif difficile à contrecarrer.

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