Il existe une “convergence d’intérêts entre les pays du Golf, l’Egypte, la Jordanie et Israël dans le différent diplomatique avec le Qatar autour de la “menace iranienne“a déclaré Aliza Bin-Noun, ambassadrice d’Israël en France, lors d’une interview accordée à euronews. Cette convergence pourrait même ouvrir la voie à des “collaborations” qu’elle n’a pas détaillé.
Lors de cette interview, elle a rappelé que “la position d’Israël vis-à-vis de l’Iran est très claire” et ce “depuis toujours”. Pour elle, “l’Iran est une menace de par leur engagement et leur soutien grandissant au Hamas et au Hezbollah ainsi qu’avec leurs essais de missiles balistiques”. Elle a confirmé que la position de Donal Trump à l‘égard de l’Iran une bonne nouvelle pour Israël.
Elle nous a aussi confié qu’elle considère le président français nouvellement élu, Emmanuel Macron, comme bien intentionné envers Israël en raison de sa position concernant les territoires palestiniens et son opposition au boycott des produits israéliens. Elle est revenue sur sa visite en Israël en 2015 en temps que ministre de l‘économie et la bonne impression qu’il avait alors donnée.
euronews :
Qu’attendez-vous du nouveau président français Emmanuel Macron ?
Aliza Bin-Noun, ambassadrice d’Israël en France :
Il faut commencer par rappeler que les relations entre la France et Israël sont très bonnes et très importantes pour les deux pays. Nous sommes des pays amis avec une histoire très spéciale. La France a largement contribué à la sécurité d’Israël dans les années 50. La France compte aussi la plus grande communauté juive d’Europe. Nous partageons aussi les mêmes valeurs, en tant que seul pays démocratique au Moyen-Orient, qu’avec les pays occidentaux. Cela est la base et ces relations se renforcent dans de nombreux domaines.
Concernant le président Emmanuel Macron, nous le connaissons depuis son poste de ministre de l’Economie. Il s‘était rendu en Israël en septembre 2015. L’accent, durant cette visite, avait été mis sur l‘économie bien sûr, la technologie et le modèle start-up en Israël. Il avait été très impressionné. Il a ensuite facilité l’organisation de la journée de l’innovation France/Israël en 2016. Il avait dit, à l’occasion de sa visite puis par la suite, s’opposer au boycott des produits israéliens. Ses positions sur ces sujets nous sont donc connues et sont, selon nous, de bonnes positions.
Sur le sujet des territoires palestiniens, son positionnement [solution à deux Etats mais sans reconnaissance unilatérale d’un éventuel Etat palestiniens – NDLR] correspond aux attentes que nous avons de la part de la communauté internationale en général. Israël est favorable au dialogue direct avec les Palestiniens, du moins ceux qui sont prêts à discuter et non par le biais de la communauté ou d’organisations internationales au sein desquelles Israël se retrouve en position de minorité et mis sous pression car s’y trouvent toujours une majorité de pays arabes ou musulmans, en général contre Israël.
Pour nous, il est très encourageant qu’il ait déclaré qu’il doit exister un dialogue, qu’une solution doit être trouvée par les deux parties directement et non en imposant une résolution.
Il faut enfin rappeler la coopération importante qui existe et qui se renforce entre nos deux pays dans les domaines de la sécurité et de la lutte commune contre le terrorisme. Benyamin Nétanyahou l’a évoqué avec Emmanuel Macron lorsqu’il l’a appelé pour le féliciter au-delà de son élection, lui rappeler l’importance de poursuivre leur collaboration sur ces questions.
euronews :
Où en sont vos relations avec l’Union européenne depuis l’étiquetage des produits importés des colonies en 2015 ?
Aliza Bin-Noun :
Pour nos relations avec l’Union européenne, il faut bien regarder le tableau en entier. Comme pour la France, il s’agit de relations très importante pour Israël et pour l’Union européenne étant donné notre histoire, notre héritage judéo-chrétiens et nos valeurs communes. A cette base, s’ajoute le fait que l’UE est le partenaire numéro un en termes d‘échange commerciaux. Nos relations sont très profondes et très importantes pour nous et pour l’UE. Mais oui, nous avons des différends politiques concernant l’étiquetage des produits ou sur la question de l’autorité palestinienne. L’UE a sa position et Israël a sa position. Mais il faut continuer à discuter.
Israël s’est opposé fortement à cette décision de Bruxelles et des pays membres – comme la France – d‘étiqueter les produits importés. Nous pensons qu’il s’agit d’une discrimination. Il existe 200 territoires contestés dans le monde et en choisissant de se concentrer sur Israël, l’UE fait de la discrimination.
En outre, la pression n’a jamais fonctionné pour faire plier la société israélienne qui a montré par le passé sa volonté de faire des concessions territoriales, comme cela a été le cas avec l’Egypte ou la Jordanie, et mêmes avec les Palestiniens. Il faut encourager le dialogue ; il faut encourager le côté palestinien à s’asseoir autour de la table afin de discuter. C’est ce que le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a tenté de faire ces dernières années sans y parvenir. Peut-être que les choses vont avancer suite à la visite de Donald Trump. Mais mettre la pression ne fonctionne ni sur la population israélienne ni sur les hommes politiques ; cela exacerbe les tensions et ce quand bien même le jeu politique interne joue un rôle sur les décisions prises par le gouvernement israélien.
euronews :
Quel rôle Israël peut-il et doit-il jouer dans la lutte internationale contre le terrorisme ?
Aliza Bin-Noun : Israël joue déjà un rôle. Nous avons été forcés de jouer un rôle car notre pays est menacé depuis le début de son existence, en 1948 et même avant. Pour nous, cette situation ne date pas de ces dernières années. Israël a donc accumulé une grande expérience dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Nous partageons cette expérience avec d’autres pays dans le monde, dont l’Union européenne.
euronews :
Votre expérience dans le domaine militaire ou le renseignement ?
Aliza Bin-Noun :
Tout ce qui est pertinent dans le domaine de la sécurité, tout ce qui peut permettre de contrecarrer les terroristes. Nous avons aussi acquis une grande expérience dans la réponse à apporter après un attentat terroriste, notamment dans ce qui concerne les populations civiles : médecine d’urgence, traitements psychologiques, soutien aux familles de victimes, coordination des entités amenés à aider la population après des attentats terroristes. Nous avons appris comment gérer ces situations avant, pendant et après un attentat terroriste. Et, malheureusement, Israël peut partager son expérience avec les pays aussi touchés par le terrorisme.
euronews :
Selon une information du quotidien israélien Yedioth daté du 13 juin, Benyamin Nétanyahou envisagerait la fermeture des bureaux de la chaîne qatari Al-Jazeera à Jérusalem. Pouvez-vous nous confirmer cette information ?
Aliza Bin-Noun :
C’est en discussion mais je n’ai pas été informée de la décision finale. C’est une discussion très récente ; je ne sais pas si une décision a été prise. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas la première fois que ce sujet est évoqué car Al-Jazeera présente une position très problématique par rapport à Israël.
euronews :
Si l’initiative est confirmée, cela signifie-t-il qu’Israël se positionne du côté des pays tels l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ou l’Egypte qui ont annoncé la rupture de leurs liens diplomatiques avec le Qatar qu’ils accusent de soutenir le terrorisme ?
Aliza Bin-Noun :
Israël n’a pas de lien diplomatique avec les pays du Golf ou le Qatar, pas de liens du tout malheureusement. Donc le mot rupture n’est pas adapté. Le problème, par rapport à ce sujet, est la menace iranienne. La raison pour laquelle ces pays ont décidé de rompre leurs liens diplomatiques avec le Qatar était la relation entre le Qatar et l’Iran et le soutien du Qatar au terrorisme. La position d’Israël vis-à-vis de l’Iran est très claire : pour nous l’Iran est une menace de par leur engagement et leur soutien grandissant au Hamas et au Hezbollah ainsi qu’avec leurs essais de missiles balistiques il y a un an dont la cible était clairement Israël. Sur l’un de ces missiles qui ciblait Israël, il y avait un message en hébreu. Les déclarations des leaders iraniens sont très claires : ils ne reconnaissent pas Israël, et Israël en général dans la région, ni la légitimité d’Israël et du “régime sioniste” comme ils disent. Si l’objectif de ces pays était de manifester contre l’Iran alors Israël est tout à fait sur la même ligne.
euronews :
La semaine dernière, lors d’une session de question au Parlement, votre ministre de la défense Avigdor Liberman a dit “Cette crise ouvre sans doute aucun de nombreuses opportunités de collaboration dans la lutte contre le terrorisme”. Quelles pourraient être ces “nouvelles collaborations” exactement ?
Aliza Bin-Noun :
Ce n’est pas un grand secret que vis-à-vis de la menace iranienne qui pèse sur les pays du Golf, Israël mais aussi l’Egypte et la Jordanie qui font partie de cette initiative visant le Qatar, il existe une convergence d’intérêts entre ces pays et nous car nous partageons la même menace. En revanche, le type de collaborations possible n’a pas encore été clarifié.
euronews :
De ce point de vue, la position du nouveau président américain Donald Trump sur l’Iran, qui diffère totalement de celle de son prédécesseur, est-elle une bonne nouvelle pour vous ?
Aliza Bin-Noun :
Tout à fait. C’est la position d’Israël depuis toujours.
Propos recueillis par Marie Jamet et Aissa Boukanoun