Israël est un pays méditerranéen baigné d’un soleil brûlant une bonne partie de l’année. L’Etat juif dispose aussi de la technologie et du savoir-faire pour exploiter la lumière du soleil et la transformer en source d’énergie, bon marché et non polluante.

Comment expliquer alors que seulement 5% de l’électricité du pays étaient fournis par le soleil ? Une « performance » médiocre qui laisse Israël loin derrière les pays occidentaux et même certains pays pauvres.

Le gouvernement israélien a approuvé la proposition de son ministre de l’Energie de fixer un nouvel objectif de consommation énergétique pour le pays : d’ici à 2030, 30% de l’électricité d’Israël sera produit à partir de sources d’énergie renouvelables – principalement le soleil.

Selon cette même décision gouvernementale, les 70% restants des besoins énergétiques d’Israël seront couverts par le gaz naturel extrait des importantes réserves découvertes au large des côtes méditerranéennes.

En 2022, le charbon noir fournit encore 25% de la production d’électricité d’Israël : il est importé de quatre pays principaux, les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Pologne.

L’Europe fait mieux

A priori, la décision du gouvernement israélien n’a rien d’étonnant : Israël abandonne enfin le charbon pour accélérer sa transition vers les énergies moins polluantes, le gaz et le soleil.

Pourtant, on est en droit de se demander pourquoi en 2022, Israël utilise si peu le soleil pour produire son électricité alors que le pays ne manque pas de journées ensoleillées durant l’année.

Même en Europe, moins avantagée par le soleil, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est beaucoup plus importante. Qu’on en juge : selon l’institut de la statistique Eurostat, les 27 pays membres de l’Union européenne produisent, en moyenne, 19% de leur énergie à partir de sources renouvelables, quatre fois plus qu’en Israël !

Certes, il n’y a pas que le soleil qui soit une énergie renouvelable, en Europe en particulier : le vent, les marées et la géothermie remplissent le même rôle. Il n’empêche que l’écart reste impressionnant, quitte à nous répéter : 19% d’énergies renouvelables en Europe contre 5% en Israël.

Accord de Paris

En octobre 2020, le gouvernement israélien s’est donc enfin décidé à appliquer l’Accord de Paris sur le climat de 2015 ; cet accord définit un cadre mondial visant à lutter contre le réchauffement de la planète.

En ratifiant cet accord en novembre 2016, Israël s’était engagé à réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Pour parvenir à cet objectif ambitieux, Israël dispose de deux moyens : convertir ses centrales électriques au gaz (à la place du charbon) et produire au moins 30% de son électricité à partir d’énergie solaire.

Il aura donc fallu quatre ans aux dirigeants israéliens pour prendre au sérieux le défi des changements climatiques et se donner les moyens d’y faire face.

Selon le ministère de l’Energie, Israël va investir 80 milliards de shekels (20 milliards d’euros) durant la décennie à venir pour produire 30% de son électricité à partir d’énergie solaire, 70% avec du gaz et 0% avec du charbon.

En revanche, le ministère israélien de la Protection de l’environnement aurait souhaité relever l’objectif d’énergies renouvelables à 40% d’ici 2030 : la ministre Gila Gamliel a souligné que ce plan de 30% « laisserait Israël à la traîne, loin des objectifs des pays développés et même des pays en développement ».

Echec de la politique énergétique

Une chose est sûre : la crise sanitaire du Covid-19 est l’occasion pour Israël d’accélérer son passage aux énergies propres et renouvelables. Le gouvernement israélien semble l’avoir compris en lançant un plan ambitieux qui va aussi doper l’emploi et garantir une croissance soutenue.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en Israël de 2020, soleil et électricité ne font toujours pas bon ménage et c’est bien dommage. Pourquoi est-il si difficile à Israël de se faire une place au soleil ?

La réponse à cette question semble claire : le retard d’Israël dans sa transition au solaire marque l’échec de la politique énergétique des gouvernements israéliens tout au long de la dernière décennie. La transition au gaz reste lente et la conversion au soleil toujours remise à plus tard.

En Israël, il arrive trop souvent que, dans le domaine économique, les dirigeants politiques ignorent le long terme ; ils multiplient les décisions à court terme qui s’avèrent irrationnelles, voire désastreuses, sur le long terme. La politique énergétique en est une illustration.

Au siècle dernier, un célèbre économiste britannique, John Maynard Keynes, expliquait ce paradoxe par cette formule saisissante : « Sur le long terme, nous sommes tous morts ».

Les Israéliens devront donc attendre 2030 pour voir le soleil méditerranéen remplacer le charbon australien.

Patience et longueur de temps…

frblogs.timesofisrael.com

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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