JACQUES BENDELAC. Depuis soixante-quatorze ans, les Israéliens ont pris l’habitude de voir leur rythme de vie et de travail marqué par des opérations militaires. Quant au développement économique du pays, il varie au gré des situations de guerre ou de paix avec ses voisins arabes.

Très vite, les dirigeants israéliens ont compris que le fardeau financier imposé par les guerres ampute les budgets consacrés aux dépenses civiles comme l’éducation, la santé ou l’emploi.

Cette prise de conscience a conduit Israël à repenser l’affectation des ressources nationales pour garantir à sa population un niveau de vie et de bien-être satisfaisant, tout en gérant une économie de guerre.

Après la guerre des Six-Jours (1967), l’embargo que la France imposa sur la livraison d’armes a marqué un tournant dans la politique d’approvisionnement en matériel militaire : les gouvernements israéliens ont choisi de mettre en place une industrie militaire locale pour remplacer les fournisseurs étrangers éventuellement défaillants, tout en permettant de développer des types d’armement répondant aux besoins locaux.

Cette politique interventionniste de l’Etat s’est traduite par la création d’un complexe militaro-industriel de grande envergure, dominé par trois grandes sociétés publiques : Israel Military Industries, Israel Aerospace Industries et Rafael Advanced Defense Systems.

L’économie israélienne ne s’est pas seulement adaptée à la situation de guerre permanente ; elle a répondu aux besoins militaires en jetant les bases d’un secteur de haute technologie qui est devenu son principal moteur de croissance.

Rapidement, la recherche militaire a débouché sur des applications civiles dans des domaines variés comme l’aéronautique, l’électronique ou l’espace, conduisant à la naissance d’une « start-up nation ».

Une longueur d’avance.

Le poids important du budget militaire (15 % de la dépense publique, contre 3 % en France et 8 % aux Etats-Unis) a contribué à élargir la place de la haute technologie dans l’économie israélienne : en 2020, ce secteur représentait 10 % de l’emploi total, 15 % du produit intérieur brut et 40 % des exportations de biens et services.

Certes, le modèle israélien d’économie de guerre n’aurait pu se développer sans le soutien financier des Etats-Unis, qui allège les finances de l’Etat juif et limite son endettement extérieur : au début des années 2020, l’aide américaine (3,8 milliards de dollars par an) finançait environ un cinquième du budget militaire israélien.

Mais les contraintes de l’économie nationale (un territoire exigu, des ressources limitées et une main-d’œuvre réduite) ont eu aussi un impact sur les guerres d’Israël.

Le pays a mis ses capacités d’invention et d’innovation au service de l’armée et de la protection des civils. Depuis les avions sans pilote (drones), la cybernétique et la robotique, en passant par les simulateurs de vol et jusqu’au dôme de fer pour intercepter les roquettes, la technologie israélienne a permis à Tsahal de conserver une longueur d’avance sur ses ennemis.

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