PAGE D’HISTOIRE. C’était en 2014. Dans une lettre ouverte adressée à Vladimir Poutine, des personnalités juives d’Ukraine accusent le président russe de brandir la menace du nationalisme et de l’antisémitisme pour légitimer son interventionnisme en Ukraine.
« Historiquement, les juifs d’Ukraine sont majoritairement russophones. Aussi notre opinion sur ce qui se passe actuellement pèse autant que celle de vos conseillers ». Ainsi débute la lettre ouverte que plusieurs personnalités juives d’Ukraine ont adressée à Vladimir Poutine pour lui sommer de retirer les militaires russes de Crimée.
Issus des milieux universitaires, scientifiques, artistiques ou des affaires, les co-signataires de la missive s’attachent d’abord à démonter l’idée avancée par Moscou, selon laquelle le mouvement ayant entraîné la chute du président Viktor Ianoukovitch serait téléguidé par des « fascistes », dont l’un des noirs desseins serait « l’organisation de pogroms ». « Les certitudes que vous avez exprimées en conférence de presse sur la montée de l’antisémitisme en Ukraine ne reposent sur aucun fait, lancent les épistoliers à l’adresse du président russe. Peut-être avez-vous confondu l’Ukraine avec la Russie, où plusieurs organisations juives ont constaté une hausse de l’antisémitisme. »
« C’est votre politique qui favorise le séparatisme ».
Conscients que des groupes nationalistes et xénophobes ont pris part au soulèvement de la place Maïdan, les signataires soulignent que les nouvelles autorités de Kiev, tout comme la société civile, s’efforcent de rester vigilants avec les mouvements extrémistes, « contrairement à la Russie où les néo-nazis sont soutenus par vos services de sécurité ». Et de préciser : « Nous faisons preuve de compréhension mutuelle avec le nouveau gouvernement et œuvrons dans le sens du partenariat. Quelques minorités sont représentées dans l’équipe dirigeante : le ministre des Affaires intérieures est arménien, le vice-Premier ministre est juif et deux ministres sont russes ».
Encore plus directs, les auteurs de la lettre accusent ensuite l’homme fort du Kremlin d’être à l’origine de l’instabilité qui gagne l’Ukraine aujourd’hui. « C’est votre politique qui favorise le séparatisme et la pression que vous exercez sur l’Ukraine qui menace sa communauté juive et son peuple tout entier, dont celui du Sud-Est et de Crimée », poursuit le texte. Avant de conclure : « Vladimir Vladimirovitch, nous vous sommes reconnaissants de l’importance que vous accordez aux droits des minorités en Ukraine mais ne souhaitons pas que notre ‘défense’ légitime l’éclatement de l’Ukraine ou l’annexion d’une partie de notre territoire. Aussi, nous vous demandons de cesser toute ingérence dans nos affaires, de rappeler vos troupes et de cesser d’inciter au séparatisme. »