Victime de son succès, Israël qui se targue d’être la « start-up nation » par excellence manque de cerveaux et va désormais chercher son salut dans l’immigration.
Pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qualifiée parmi les 6 500 entreprises de haute technologie que compte le pays, le gouvernement s’apprête à lancer un plan de mobilisation d’experts étrangers, d’étudiants et des juifs de la diaspora.
Véritable locomotive de l’économie israélienne, la « high-tech » recherche désespérément 14 000 ingénieurs, experts en tout genre pour assurer la poursuite d’une marche en avant effrénée que connaît l’ensemble de ce secteur. Les investissements dans les start-up ont doublé cette année pour tutoyer un record de 20 milliards d’euros à la fin octobre. Israël compte pas moins de cinquante « licornes », ces entreprises dont la valorisation dépasse le milliard de dollars, alors que la France n’en dénombre que 19. Résultat : ces boîtes veulent embaucher à tour de bras. Mais la plupart, notamment celles spécialisées dans la cybersécurité, l’intelligence artificielle, le langage logiciel et l’informatique financière, ont de plus en plus de difficultés à trouver les experts correspondant à leurs besoins.
Quelque 14 000 postes ne sont pas pourvus malgré les efforts des agences de chasseurs de têtes, ce qui à l’échelle de la population française représenterait 100 000 emplois à pourvoir. Résultat : le gouvernement veut se tourner vers le grand large pour répondre à ses grandes ambitions. « L’objectif est de parvenir à un taux de 15 % de la population active dans la haute technologie d’ici 4 ans », explique à Marianne un responsable de l’Autorité de l’Innovation, un organisme officiel.
Proposition d’« Aliyah » CDD
« Renforcer ce secteur constitue une nécessité nationale vitale. Plutôt que de voir nos entreprises ouvrir des centres de développement en dehors d’Israël, faute de main-d’œuvre locale, mieux vaut engager des étrangers compétents chez nous, ainsi que les juifs qui peuvent bénéficier du droit au retour », ajoute Ayalet Shaked, la ministre de l’Intérieur. Pour attirer ces experts, Israël va leur proposer des rémunérations minimales deux fois supérieures au salaire moyen du pays soit 26 000 shekels (7 000 euros), avec à la clé l’octroi de visas de travail beaucoup plus simple et rapide. Actuellement près de 6 000 étrangers sont déjà employés. Mais ces renforts ne suffisent plus à satisfaire une demande qui s’emballe.
Les ingénieurs, programmeurs et autres experts d’origine juive, par exemple Français, qui ne sont pas forcément disposés à faire leur « Aliyah », c’est-à-dire à s’installer définitivement en Israël, vont se voir proposer des emplois pour des périodes limitées, une sorte de test qui doit leur permettre de savoir s’ils veulent s’intégrer ou repartir dans leur pays d’origine.
Enfin, Israël est sur le point de proposer des contrats d’embauche de trois ans à des étudiants étrangers, notamment parmi le millier d’Indiens venus suivre des études et effectuer des stages dans le pays.
Un programme qui divise
Cette mobilisation vise à éviter des situations comme celle évoquée par le quotidien économique israélien Globes à propos de Melio, une firme qui propose des plates-formes de paiements en ligne dotée d’un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars. Son patron Ilan Atias explique que s’il ne peut pas rapidement faire venir en Israël 20 de ses employés travaillant dans son centre de développement installé en Biélorussie, il se tournera sans hésiter vers les cieux plus accueillants de Dubaï.
Les projets du gouvernement, aussi prometteurs soient-ils, ne font toutefois pas l’unanimité. Stav Brenner, à la tête de l’association qui regroupe 6 000 jeunes programmeurs, accuse toute l’opération « de privilégier les étrangers au détriment des nouveaux diplômés israéliens qui, faute d’expérience professionnelle, peinent à se faire embaucher ». D’autres voix critiques estiment que les autorités feraient bien mieux de lancer un programme de formation pour les membres des minorités tels les Arabes israéliens et les ultra-orthodoxes juifs, qui regroupent près d’un tiers de la population, tout en étant fortement sous-représentés dans la haute technologie.