Moustaki, Juif errant ? pas si sûr…

Ils sont tous deux dans le même club de tennis de table, autrement dit de ping-pong. Ce jour-là, Jean-Elie porte un tee-shirt publicitaire en hébreu et tout commence par là. Moustaki veut en savoir plus, les parties s’enchaînent, les discussions sur la judéité et Israël aussi. Le ping-pong se transforme en pilpoul, une amitié naît, un projet de voyage aussi. En 2006, ils partent ensemble, Moustaki retrouve ses cousins et des paysages que le poète affectionne particulièrement, Jean-Elie filme les rencontres, il capte les émotions.
Moustaki, Juif errant ? pas si sûr…

Né en 1934, à Alexandrie ville alors cosmopolite, Moustaki se définit comme italo-grec de naissance, mais pas seulement ; ses parents sont juifs de Corfou et romaniote, une communauté juive-grecque très ancienne et lorsqu’il naît, on le nomme Youssef, Georges. Il a 14 ans et se souvient de sa grande admiration pour le peuple qui, par la lutte, a obtenu son indépendance. Israël est et restera pour lui une source d’admiration assombrie parfois par les événements politiques.

Son père, libraire francophone, l’inscrit au lycée français à Alexandrie et il arrive en France en 1951. Il deviendra Georges tout court et sera naturalisé en 1985. En France, les rencontres parisiennes avec les plus grands de l’époque ; Brassens, Piaf, Montand, Reggiani, Barbara guideront ses choix et ses inspirations. Lors d’une interview au journal L’Express, il déclare : « Je suis juif par baptême (sic !) français par la langue, égyptien par naissance, arabe par l’art de vivre ». Athée et libertaire, il est aussi et surtout méditerranéen, en lui se mêlent des cultures qui coexistent et l’enrichissent.

Attentif aux autres, son charisme attire. Lors de leur voyage, Jean-Elie remarque combien les Israéliens de tous horizons s’adressent à lui avec chaleur et amitié. Alors qu’un homme d’origine marocaine lui parle sur le ton de la confidence, Moustaki pose la question « pourquoi tu t’adresses à moi ? » et l’homme de répondre « parce que tu ressembles à mon père », ce sentiment de partage familial ponctuera le voyage. Ses cousins qui ont quitté l’Égypte dans les années 50, viennent le chercher en voiture et Jean-Elie, embarqué avec eux, note leur grande complicité, l’un est policier, l’autre pécheur et l’autre encore homme d’affaires.

Ce n’est pourtant pas son premier voyage en Israël. En 1963, il se met à l’hébreu et parcourt Israël en voiture puis entreprendra divers voyages, comme un fil continu entre lui et Israël. Il aura ainsi composé pas moins de 300 chansons mais c’est en 1969 avec le Métèque que sa judéité se révèle et qu’en 2005 avec son album Le vagabond que deux chansons disent que juif marginal, il demeure juif.

Son amitié avec Dan Ben Amotz est centrale, elle cimente son lien, le passé d’un peuple et l’attachement avec le pays, elle est peut-être à la source de sa chanson Le soldat.

Comment, après des siècles de souffrance, faire fleurir le désert ? Confronté aux conflits inéluctables, le poète demeure dans l’idéal de la naissance d’une nation et refuse la violence.

Son amitié et admiration pour Haïm Hefer seront scellées par les paroles du poète israélien « ces jours d’après » la guerre, l’espoir d’une vie de quiétude, comme le cantique des cantiques « rose comme l’aube sur les montagnes » ?

Au kibboutz d’Ein Gedi, Moustaki semble chez lui, il est sensible au paysage désertique, à la chaleur du sable et des pierres, à la luxuriance des plantes et des arbres qui luttent pour survivre.

En 2006, surprise, Moustaki écrit et chante son amour « des mères juives »  pour qui toujours, on reste enfant. Il rend hommage à ces mères émotives et attentives, toujours inquiètes, qui préparent un plat que nulles autres ne saura faire, pour qui il faut être avocat ou docteur, mais toujours enfant. À 78 ans, Moustaki aimerait encore entendre les recommandations autrefois insupportables de cette mère juive disparue. La yiddish mame de ce fils de la Méditerranée, sera chantée par Moustaki lui-même en yiddish et en hébreu.

Bien que contraint de tirer un trait sur sa carrière pour des raisons médicales, Georges Moustaki souhaite offrir à ses fans un cadeau de départ, mais pas n’importe lequel. Il dévoile au public la reprise de son titre Il est trop tard en duo avec l’artiste franco-israélienne Orlika, titre chanté en français et en hébreu. Le titre avait été enregistré en 2010. Grand succès sur les ondes israéliennes, il sort en France plus tard. Bien malade, le titre est comme un dernier cri plein d’émotions « Passe, passe le temps. Il n’y en a plus pour très longtemps. »

Citoyen du monde par naissance, un kaddish sera dit à ses funérailles en 2013 c’est ce qu’il voulait pour maintenir le lien avec les siens. Il est enterré au Père-Lachaise à Paris.

SOURCE. www.yedia.org/

Georges Moustaki, est mort le à Nice. Il a été un auteur-compositeur-interprète d’origine italogrecque naturalisé français en 1985. Il est aussi artiste-peintre, écrivain et acteur.

Né en Égypte, de parents grecs de religion juive, romaniotes et de langue italienne, originaires de l’île de Corfou, il grandit dans un environnement multiculturel (juif, albanais, turc, italien, arabe, français) et se passionne vite pour la littérature et la chanson française ; pour le linguiste Louis-Jean Calvet, « né à Alexandrie d’une famille juive grecque mais de langue italienne, baptisé Giuseppe par ses parents, inscrit à l’état civil égyptien sous le nom de Youssef, appelé à l’école française Joseph, puis Jo, un diminutif qui a fait croire, lorsqu’il est arrivé en France, qu’il s’appelait Georges, ce qu’il a laissé faire par admiration pour Brassens, il symbolise par cette simple succession de prénoms l’univers méditerranéen ».

Il y avait à Alexandrie une très grande famille Mustacchi. Son père, libraire francophone, l’inscrit ainsi que ses deux sœurs Élisabeth et Marcelle au lycée français d’Alexandrie.

Installation en France

Georges vient en 1951 à Paris où il s’installe chez Marcelle et son époux le poète Jean-Pierre Rosnay, lui aussi libraire et pour qui il fait du porte-à-porte en vendant des livres de poésie.

Il exerce par la suite la profession de journaliste, puis de barman dans un piano-bar, ce qui l’amène à fréquenter des personnalités du monde musical de l’époque, notamment dans le haut lieu de la vie intellectuelle et culturelle parisienne, le quartier Saint-Germain-des-Prés.

Il entend ainsi Georges Brassens se produire un soir ; c’est pour lui une révélation : il n’aura de cesse par la suite de faire référence à ce maître, allant jusqu’à adopter son prénom en guise de pseudonyme. Ils s’entendent très bien, et Brassens lui prodigue des conseils.

Georges Moustaki en 1961.

En 1958, le guitariste Henri Crolla7 lui présente Édith Piaf pour laquelle il écrit quelque temps plus tard une de ses chansons les plus connues, Milord, et avec qui il connaîtra une courte et fougueuse liaison d’un an ; c’est lui qui présente Georges Brassens à Édith Piaf, quelque peu hermétique aux chanteurs solistes, qui s’accompagnent à la guitare, dits « rive gauche ». Elle incite Moustaki à sortir de ce mouvement.

Moustaki en 1955. Photo d’identité Sacem.

Tout au long des années 1960, Moustaki se positionne comme un compositeur et parolier pour les grands noms de la chanson française comme Yves Montand, Barbara et Serge Reggiani, avec qui il se lie d’amitié. Sa différence d’âge avec Piaf de 18 ans son aînée lui inspire Sarah, qui sera tout d’abord interprétée par Reggiani, avant que lui-même ne l’enregistre à son tour avec son aval.

Carrière.

Il crée alors des chansons qui resteront parmi ses plus grands succès : Ma solitude, Joseph et Ma liberté ou encore La Dame brune qu’il interprète alors en duo avec Barbara. Sa devise, tirée d’un écrit d’Antoine Blondin est « l’homme descend du songe ».

En 1968, artiste engagé au moment des événements de Mai 68, il écrit, compose et interprète Le Métèque, ballade romantique qui parle d’un étranger un peu éthéré, doux rêveur, sans attache. C’est un grand succès international qui marque un nouveau début de sa carrière d’artiste.

En , il fait son premier grand concert en vedette à Bobino. On découvre alors un artiste qui privilégie une ambiance chaleureuse, de proximité avec son public.

Georges Moustaki à la guitare en 1974.

En 1973, son album Déclaration, prend ses racines dans la musique populaire brésilienne (MPB). On y trouve la chanson Le quotidien, traduite de la chanson Cotidiano sur des paroles de Vinicius de Moraes et une musique de Toquinho et Les Eaux de mars, traduite de la chanson Águas de Março paroles et musique de Antônio Carlos Jobim.

Pendant les trois décennies suivantes, il parcourt le monde pour se produire, mais surtout trouver de nouvelles inspirations ; il écrit entre autres La Vieillesse à 50 ans.

Le , Georges Moustaki monte sur scène, à Barcelone, et explique au public que ses problèmes respiratoires ne lui permettent pas d’assurer le concert. Le , le chanteur annonce à la presse qu’il est définitivement incapable de chanter.

Grand amateur de la guitare, son instrument de prédilection, auquel il rend hommage dans plusieurs de ses chansons, il noue des liens d’amitié avec le guitariste virtuose Alexandre Lagoya, comme lui né à Alexandrie, et d’origine familiale gréco-italienne.

Moustaki a été enterré selon les rites juifs dans un caveau familial au cimetière du Père Lachaise à Paris à quelques mètres de la tombe de son ancienne amante Édith Piaf.

Partager :