Israël et le Hamas: l’IA peut-elle battre des cerveaux dérangés ? Par Raphaël Jerusalmy
Le conflit de Gaza montre comment une armée de haut niveau, dotée de moyens avancés, se heurte à un fanatisme sans bornes et une haine qu’aucun logiciel ne peut traiter
Israël vient de se joindre aux 57 signataires de la convention de supervision de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle destinée à éviter les dangers d’un usage frauduleux et malveillant de cette avancée technologique. L’IA va révolutionner le monde dans lequel nous vivons et surtout le milieu du travail. Mais, aux mains d’éléments pernicieux, elle peut poser une réelle menace à la démocratie et aux libertés individuelles.
Le règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA) du 13 juin 2024 est paru au Journal officiel de l’Union européenne du 12 juillet. Le Conseil de l’Europe a adopté le 17 mai 2024 un traité international visant à garantir une IA respectueuse des droits fondamentaux. La législation sur l’IA [règlement(UE) 2024/1689 établissant des règles harmonisées en matièred’intelligence artificielle] fournit aux développeurs et aux déployeurs d’IA des exigences et des obligations claires en ce qui concerne les utilisations spécifiques de l’IA.
De nos jours, l’IA joue un rôle essentiel dans la défense d’Israël. Utilisée par toutes les branches militaires, elle permet d’innover dans la production d’armement ainsi que d’améliorer la détermination des cibles, l’optimisation des frappes, la programmation tactique et stratégique en temps de conflit, la planification à long terme des besoins de défense et de sécurité.
Lors des combats menés par Tsahal contre le Hamas ou le Hezbollah, tout comme lors des opérations anti-terroristes en Judée-Samarie, les troupes sur le terrain sont secondées par des unités d’informatique à l’arrière qui analysent les données du théâtre d’opération en temps réel, calculent les risques, proposent des solutions tactiques de diversion ou d’assaut. Autrement dit, derrière chaque soldat ou soldate qui tient un fusil se tient un autre soldat ou soldate, face à un ordinateur, pour l’assister. Sur le plan du renseignement et du cyber, l’emploi ingénieux des capacités de l’IA représente un atout inestimable. Mais, au bout du compte, il ne s’agit que d’algorithmes à qui l’intuition humaine fait encore défaut. Le massacre du 7 octobre est en partie la résultante d’une trop grande confiance accordée aux calculs des machines par rapport à l’appréciation ou même le ressenti des personnes telles que les observatrices déployées le long de la barrière séparant Gaza d’Israël.
En allant plus loin, on peut raisonnablement considérer que l’IA et la technologie de pointe ne font pas le poids face à une autre sorte d’intelligence : celle d’un cerveau maléfique. Avec le cas Yahya Sinwar, on voit comment un esprit machiavélique peut mettre toute une nation au défi, en dérouter les services secrets, en prendre les forces de défense au dépourvu. Juste parce qu’il est pervers et démoniaque à un point que n’imagine pas une personne dite normale ou saine d’esprit.
Cela ne veut pas dire que le Hamas, le Hezbollah et autres, ne font pas appel à l’IA. Au contraire, ils en sont les plus férus utilisateurs. Ils font figure de pionniers dans le développement des applications néfastes que l’on peut en tirer. À commencer par les « fake news » et les vidéos truquées jusqu’à la déformation de l’histoire, dont la négation de la Shoah.
Et en sens inverse, en chantant l’apologie de l’islamisme le plus virulent et appelant à la violence et au « martyr ». Ces messages, pourtant brutaux et vulgaires, connaissent un succès non négligeable auprès de nombreux publics, y compris celui des universitaires et des artistes supposés avoir plus de jugeote. Ou de subtilité. Ce succès, comme celui d’Hitler durant la période nazie, provient d’une exploitation judicieuse des instincts primitifs de l’homme et des obsessions et troubles dont est accablé l’inconscient collectif comme individuel.
À propos de la montée des islamismes, on emploie des expressions telles que « la lutte du monde libre ou éclairé contre l’axe du mal ». Depuis le 7 octobre, on devrait plutôt parler de « la lutte de la raison contre la démence ». Une raison qui s’appuie sur des normes et des principes dont le faiseur de mal fait fi. Et qu’il cherche à détruire. La question se pose donc de savoir s’il existe un algorithme capable de contrecarrer des esprits aussi dérangés que ceux de Nasrallah ou Sinwar dont les mécanismes échappent à toute logique. Le conflit de Gaza montre comment une armée de haut niveau, dotée de moyens avancés, se heurte à un fanatisme sans bornes et une haine qu’aucun logiciel ne peut traiter du simple fait que le développeur lui-même peine à en concevoir le niveau de sauvagerie.
Le 7 octobre 2023 est un rappel à l’ordre dont le monde n’a pas suffisamment compris l’ampleur et la gravité. À l’initiative du Conseil Européen, Israël et 57 autres nations souscrivent aujourd’hui à un louable effort de contrôle de l’utilisation de l’IA. Mais on attend toujours de la communauté internationale qu’elle rédige une convention bien plus cruciale portant sur une autre IA : celle de l’Ignominie Aberrante.