La ville de Beer-Sheva, au sud du pays, met en place les conditions d’accueil d’un pôle économique, dont la vocation est de devenir la référence mondiale.

Guillaume Mollaret, envoyé spécial à Beer-Sheva (Israël).

Entre tirs de roquettes et cessez-le-feu, la ville de Beer-Sheva vit au rythme des alertes. Parce qu’elle est une ville stratégique, l’Etat israélien y prépare le pays entier à une autre guerre, d’ordre technologique.

Début 2014, le Premier ministre Benyamin Netanyahou avait affiché les nouvelles ambitions de la Start-up Nation en matière de cybersécurité. « Quand on parle cybersécurité, je veux que l’on pense Israël ».

Afin d’honorer cette ambition, l’armée a concentré ses services dédiés à la sécurité informatique dans cette ville du sud du pays, aux portes du désert de Néguev. Forces armées spécialisées, université Ben-Gourion et parc technologique privé (CyberSpark) cohabitent dans un espace séparé de quelques centaines de mètres par la voie ferrée débouchant sur une toute nouvelle gare, à une heure de Tel-Aviv.

La réussite de cette conquête des marchés de la cybersécurité revêt un double enjeu pour l’Etat juif, deuxième acteur mondial du secteur derrière les Etats-Unis. L’un est démographique : le désert de Néguev couvre 60 % du territoire hébreu et n’abrite que 10 % de la population. Les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de chercher à peupler cette région à laquelle les entreprises et les travailleurs ont toujours préféré le climat balnéaire de Tel-Aviv. Le second est économique : le poids de la cybersécurité est estimé à 2,7 milliards d’euros dans le pays, soit 5 % du marché mondial.

« En l’espace de cinq ans, au moins dix-huit multinationales ont racheté des spécialistes israéliens du secteur pour un montant total de 1,7 milliard d’euros », avance Yoav Tzurya, consultant pour le fonds d’investissement local Jerusalem Venture Partners (JVP). Parmi les acquisitions les plus marquantes, la prise de contrôle par IBM, en 2013, de Trusteer, un fournisseur de logiciels antifraudes, pour près de 440 millions d’euros ! Autre fait marquant : la vente du logiciel de codage de messagerie Navajo à l’Américain Salesforce, éditeur de logiciels de gestion de la relation client (CRM).

Engagement patriotique et développement économique semblent être intimement liés en Israël. Pays, qui compte, informatiquement, parmi les plus attaqués au monde au regard de sa petite taille, mais il a su développer une véritable « intelligence » autour de la question de la sécurisation des données et des systèmes d’information.

Bien au-delà des aides gouvernementales à l’emploi de cadres, promises aux sociétés emménageant à Beer-Sheva, c’est bien l’installation des services informatiques de l’armée et sa proximité avec l’université qui doit inciter le secteur privé à venir s’implanter dans le Néguev. Dans cette perspective, Liran Tancman, ingénieur en biologie, sortant des services informatiques de l’armée a développé l’entreprise Cyactive en levant 1 million d’euros auprès de JVP. Il s’est installé dans l’incubateur créé par le fonds d’investissement. Partant du constat que « la plupart des pirates utilisent la même souche pour développer leurs virus », cette société développe des protections à même de détecter une évolution possible des malwares. « Nous travaillons sur des algorithmes d’intelligence artificielle inspirés de la santé, en faisant des prédictions de l’évolution de ce virus », explique le directeur général.

L’armée israélienne se révèle donc une pépinière de talents. Au lieu de passer par des années de théorie universitaire avant de se frotter à la réalité de l’entreprise, les jeunes israéliens, par leur passage au sein de Tsahal, sont directement plongés dans une réalité de terrain. On prête d’ailleurs à l’une de ses unités la paternité du virus Stuxnet, ayant infecté des systèmes d’information industriels (notamment nucléaires) en Iran. « Des indices découverts dans les algorithmes du programme Stuxnet, ayant infecté, entre autres, les systèmes informatiques iraniens, feraient référence à l’héroïne biblique Esther », relève Le Figaro, dans un article, daté de 2012, consacré à l’unité 8200, dont les anciens membres sont nombreux à travailler dans le secteur IT du pays.

alliancy.fr

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