Alors que la guerre contre le Hamas se poursuit, Israël se prépare à l’après-guerre ; si le déclin de l’activité économique pèsera sur les perspectives de croissance, les aides publiques devraient compenser des pertes économiques importantes et accélérer la reprise.

L’économie d’Israël ne sortira pas indemne de cette guerre qui se prolonge ; même si elle s’est construite comme une « économie de guerre », Israël subira des pertes et dégâts qui l’obligeront à dépenser beaucoup d’argent pour financer l’effort de guerre puis la reconstruction.

Main d’œuvre absente

Le principal dommage causé à l’économie israélienne en cette période de guerre est lié à l’absentéisme au travail, de la main d’œuvre israélienne comme étrangère.

Un calcul rapide montre l’ampleur du phénomène : à la mobilisation des réservistes, s’ajoutent les personnes déplacées des zones de guerre vers des régions plus calmes.

Activités au ralenti

La situation de guerre a freiné les investissements et notamment l’afflux de capitaux étrangers ; elle va aussi ralentir le commerce extérieur du pays, en particulier les exportations de haute technologie et d’armements.

Après cinq semaines de guerre, les secteurs les plus touchés sont l’agriculture, le tourisme et la construction. Certes, ces activités ne contribuent pas pour une part importante au PIB israélien, mais l’impact de la guerre sur le revenu et l’emploi de nombreux ménages sera fatal sur le long terme.

Pertes et dégâts

Reste à savoir combien de « plumes » va laisser l’économie d’Israël dans cette guerre. A défaut d’évaluation précise, une chose semble sûre : la guerre contre le Hamas sera la guerre la plus chère de toutes les guerres d’Israël.

Le coût d’une guerre dépend de trois facteurs : de sa durée, de son ampleur et de l’intervention publique. On sait déjà que cette guerre sera la plus longue que le pays ait connue, d’une ampleur sans précédent (du sud au nord en passant par Eilat) alors que l’Etat a tardé à injecter de l’argent pour atténuer les pertes économiques.

Sous l’hypothèse que le conflit durera entre deux et trois mois, le coût cumulé de la dépense militaire et civile pourrait atteindre les 100 milliards de shekels (25 milliards de dollars) soit l’équivalent de 5 % du PIB israélien. Une somme coquette qui comprend : le budget militaire, l’indemnisation des réservistes, les journées de travail perdues, les pertes de production, les pertes fiscales, les indemnités aux commerces et entreprises qui ont vu chuter leur chiffre d’affaires, les dégâts matériels, etc.

Immixtion du politique.

Israël est une économie forte qui a les moyens de financer cette guerre, même si elle venait à durer plusieurs mois : les dépenses militaires seront largement couvertes par son budget de la défense et par l’aide généreuse des Etats-Unis (3,8 milliards de dollars par an auxquels s’ajoutera, en 2024, une rallonge exceptionnelle de 14 milliards de dollars).

Quant aux dépenses civiles, elles seront financées par le budget 2024 qui sera rectifié pour faire face aux besoins nouveaux du pays ; les réserves en devises entreposées à la Banque centrale et des emprunts extérieurs viendront compléter les besoins de financement du pays.

Si Israël va perdre des plumes dans cette guerre, ce n’est pas l’argent qui pose problème. Les Israéliens sont surtout préoccupés par l’immixtion de la politique dans l’économie : les rivalités incessantes au sein du gouvernement, entre les ministres concernés (Finances, Economie, Education, Santé, etc.) et entre les partis de la coalition, retardent l’injection d’argent alloué aux besoins les plus pressants.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
T.O.I.
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