Jacques Bendelac. Dans une tribune à « l’Obs », Jacques Bendelac revient sur les divisions qui réapparaissent dans la société israélienne après des semaines de guerre.

L’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre a eu lieu à un moment où les Israéliens étaient largement divisés autour de la réforme judiciaire proposée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou. L’ampleur des crimes perpétrés par le Hamas dans le sud d’Israël a estompé un temps les clivages sociaux et politiques qui s’étaient accentués durant la première moitié de 2023 ; mais avec un conflit qui se prolonge, c’est le doute qui s’installe dans l’opinion publique israélienne autour de la gestion de la guerre et de la crise des otages.

Désormais, les divisions qui polarisent la société israélienne réapparaissent dans toutes leurs forces, principalement les clivages entre les riches et les pauvres, entre la droite et la gauche, entre les militants du Grand Israël et les partisans de la solution à deux Etats.

Riches et pauvres.

La guerre à Gaza n’a pas touché tous les Israéliens de la même façon ; elle a frappé de plein fouet le sud d’Israël, qui est la région la plus pauvre du pays. Selon le rapport 2022 sur la pauvreté en Israël que publie l’Institut de Sécurité sociale, la pauvreté touche 21 % des Israéliens en moyenne nationale mais avec de grandes disparités régionales ; le taux de pauvreté monte à 25 % dans la région sud, contre 15 % de pauvres dans la région centre. Parmi les segments de population pauvre les plus touchés par ce conflit, on trouve les Bédouins du Néguev et les juifs séfarades nombreux dans les localités du sud comme Beer-Sheva, Sderot et Netivot.

Le sud d’Israël est aussi la région qui compte de nombreux travailleurs pauvres ; 43 % des salariés du Sud sont rémunérés au salaire minimum contre 37 % dans le centre du pays. Quant aux allocataires de minima sociaux, ils sont deux fois plus nombreux dans le Sud qu’en moyenne nationale. Ce sont donc bien les Israéliens parmi les plus pauvres qui ont été évacués à la suite de l’attaque des commandos du Hamas et qui ont été privés de travail et de revenu.

Selon une enquête réalisée récemment par l’ONG Latet qui lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire en Israël, les revenus de 19,7 % de la population ont été amputés dès le début de la guerre et 45,5 % des Israéliens craignent de sombrer dans une grande précarité économique. Les indemnisations partielles et trop lentes de l’Etat ne feront qu’aggraver les écarts sociaux et les inégalités de revenu déjà criants au sein de la société israélienne.

Droite et gauche.

La guerre a relancé le clivage droite-gauche qui divise la vie politique en Israël ; elle a accentué la droitisation des Israéliens, tendance qui s’accélère lorsqu’une guerre est considérée comme une menace existentielle pour l’Etat juif. Très vite, les manifestations de rue en solidarité avec les otages retenus à Gaza ont viré en affrontement entre pro et anti-Netanyahou. Dans les rues de Tel Aviv et devant le parlement à Jérusalem, ce sont désormais deux manifestations opposées qui s’affrontent. D’un côté, des protestataires réclamant un accord de cessez-le-feu avec le Hamas pour libérer les otages, de l’autre, des partisans de la guerre à tout prix jusqu’à l’éradication du Hamas ; des manifestations antagonistes qui rappellent les affrontements autour de la réforme judiciaire au début de 2023″.

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