Euronews Business examine de plus près le projet de corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), ainsi que les défis à venir.

Lors du sommet des dirigeants du G20 en septembre 2023, Narendra Modi, le Premier ministre indien, a annoncé un projet de corridor économique appelé Inde-Moyen-Orient-Europe(IMEC) qui rejoindra l’Inde à l’Europe.

En quoi consistera ce projet ? Quand commencera-t-il ? Et quelles sont les perspectives et les défis qu’il offrira à l’Europe ?

L’IMEC travaillera avec des pays tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), l’Italie, l’Allemagne et la France, ainsi qu’avec l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique pour faire avancer le projet.

La Chine a entrepris quelque chose de similaire avec ses différents mégaprojets de routes commerciales, comme le corridor économique régional global (RCEP) et l’initiative « la Ceinture et la Route » (BRI) appelée aussi « nouvelles routes de la soie ». Le pays met également en place de vastes réseaux ferroviaires et routiers afin de renforcer l’intégration commerciale de la région.

Dans le même temps, l’Inde, économie mondiale émergente (qui a récemment dépassé le Royaume-Uni en tant que cinquième économie mondiale), tente à présent de rivaliser avec cette réalité – et ce jeu géopolitique représente une opportunité pour l’Europe.

En quoi consiste le projet IMEC ?

Le projet IMEC fait partie du Partenariat pour les infrastructures et les investissements mondiaux (PGII), lancé en juin 2022, qui vise à répondre aux besoins des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI).

L’IMEC, d’une longueur de 4800 km, comprendra un chemin de fer, des réseaux navire-rail et d’autres voies de transport. Il sera divisé en deux parties : le corridor Est, qui reliera le golfe Persique à l’Inde, et le corridor Nord, qui reliera le golfe à l’Europe.

Des ports célèbres comme Fujairah, Jebel Ali et Abu Dhabi dans les Emirats Arabes Unis, Haïfa en Israël, Mundra et Kandla en Inde, ainsi que des ports en Grèce (Le Pirée), en France (Marseille) et en Italie (Messine) seront connectés.

Afin de ne pas perdre de vue les problèmes modernes et les questions politiques, une attention particulière sera accordée à l’amélioration de l’efficacité des transports, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la création d’emplois.

Opportunités pour l’Europe.

La région du Moyen-Orient et du Golfe est devenue le centre du jeu des grandes puissances. L’influence de la Chine est la plus forte et s’accroît chaque jour au Moyen-Orient – une région qui ne regorge pas seulement de réserves de pétrole et de gaz, mais qui abrite également d’importants points d’étranglement qui commandent l’économie mondiale.

À ce titre, l’IMEC permettra à l’Europe d’établir sa propre influence dans le Golfe, contrecarrant ainsi tout projet d’influence exclusive de la Chine. Il s’agit également d’une opportunité pour l’Europe de se désengager de Pékin et de Moscou.

L’IMEC a également le potentiel de réduire les coûts de transport de 30 à 40 % entre les ports européens et les régions connectées, comme l’a déclaré Ursula Von der Leyen dans ses remarques lors de l’événement PGII, en septembre 2023, à Delhi.

« Ce sera la connexion la plus directe à ce jour entre l’Inde, le golfe Persique et l’Europe : avec une liaison ferroviaire qui rendra le commerce entre l’Inde et l’Europe 40% plus rapide ; avec un câble électrique et un pipeline d’hydrogène pour favoriser le commerce d’énergie propre entre l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europe ; avec un câble de données à grande vitesse pour relier certains des écosystèmes numériques les plus innovants au monde et créer des opportunités commerciales tout au long du chemin », a-t-elle indiqué.

L’IMEC compte au total huit signataires, qui représentent 40 % de la population mondiale et plus de la moitié de l’économie mondiale. Il s’agit là d’une occasion unique pour l’Europe de s’intégrer davantage dans l’avenir du développement économique mondial.

Obstacles à surmonter pour l’Europe

Le principal obstacle à l’IMEC est la guerre au Moyen-Orient, qui devrait entraîner des retards considérables dans le projet en jetant un froid sur les progrès réalisés jusqu’à présent en ce qui concerne le dégel des relations diplomatiques entre Israël et l’Arabie saoudite. Pour l’Europe, il sera difficile de naviguer dans ces incertitudes géopolitiques complexes.

De plus, l’ambiguïté demeure quant au calendrier. Récemment, les participants n’ont pas réussi à convoquer une réunion obligatoire après 60 jours pour mettre en œuvre le « plan d’action » pour l’IMEC, comme convenu lors de la réunion initiale du G20. Il n’y a pas non plus beaucoup de détails sur le financement – le développement des connexions portuaires, des chemins de fer, etc. nécessitera des milliards d’euros, les estimations indiquant qu’il pourrait coûter jusqu’à 8 milliards de dollars (7,4 milliards d’euros).

L’un des plus grands défis pour l’Europe sera de s’assurer que la technologie, l’argent et les autres infrastructures qui seront mises en place sous l’égide de l’IMEC ne seront pas utilisés pour favoriser l’influence de la Russie et de la Chine.

Depuis la guerre en Ukraine, le rôle du Moyen-Orient pour la Russie s’est considérablement accru. Les Émirats arabes unis ont exporté pour 233 millions de dollars (212 millions d’ euros) de composants informatiques et d’équipements électroniques et de communication vers la Russie au cours des cinq premiers mois de 2023. Il s’agit d’une augmentation considérable par rapport aux 2 millions de dollars (1,8 millions d’euros) exportés au cours de la même période en 2022. Par ailleurs, la Chine est devenue le premier acheteur de pétrole et de gaz du Conseil de coopération du Golfe.

La géopolitique de l’IMEC est complexe car l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – les pays dont les ports joueront le rôle principal dans la connectivité et l’amélioration du commerce – ont le statut de partenaire de dialogue au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai, et la première est susceptible de faire partie du bloc économique émergent des BRICS (dirigé par la Chine), tandis que le second a déjà accepté l’invitation.

Alors que le monde s’oriente vers le « minilatéralisme », c’est-à-dire vers des petits groupes de pays qui coopèrent pour résoudre des problèmes collectifs ou poursuivre des objectifs, l’IMEC offre à l’Europe l’occasion d’accroître ses échanges commerciaux et d’améliorer son accès aux marchés mondiaux.

EURONEWS.

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