Le Maroc s’impose comme la puissance industrielle montante du Maghreb. Sa volonté : s’insérer dans un maximum de chaînes de valeur mondiales. Sa stratégie consiste à capter le plus possible d’investissements directs étrangers afin de devenir une base arrière de production indispensable aux pays industrialisés, notamment européens. Près de 30 milliards de dollars ont ainsi été collectés sur la période 2012-2022, soit plus que l’Algérie et la Tunisie réunies.
Son arme principale, l’attractivité de son territoire, qui tient en six atouts majeurs : sa position stratégique aux portes de l’Europe ; une main d’œuvre abondante, bon marché et qualifiée, d’autant que le gouvernement prend en charge l’essentiel des coûts de formation organisée par les entreprises elles-mêmes dans les secteurs clés. À cela s’ajoute l’implication des autorités à offrir un environnement d’affaires propice à l’implantation et au développement d’entreprises étrangères, sans oublier une stabilité politique qui rassure.
Croissance fulgurante de l’industrie automobile.
Et la réussite est là. Dans l’automobile par exemple. Marginale jusqu’à la fin des années 2000, la production marocaine se limitait à l’assemblage de véhicules pour le compte de Renault à partir de pièces importées. Quinze ans plus tard, 600 000 véhicules sortent des chaînes de production marocaines, composés à 60 % de pièces fabriquées localement. Le million visé pour 2025 semble à portée de main, d’autant que le constructeur de véhicules électriques chinois BYD devrait bientôt s’implanter près de Tanger. Numéro 1 en Afrique, l’industrie automobile marocaine a dégagé en 2022 le premier excédent de son histoire grâce au boum de ses exportations.
Autre marqueur du succès industriel du pays, l’envol de sa filière aéronautique. L’histoire est récente. Elle débute en 1999 avec la création d’un joint-venture entre Royal Air Maroc et Safran pour assurer la maintenance et la réparation des moteurs. Aujourd’hui 142 sociétés composent le secteur. Elles emploient 20 000 salariés, chiffre qui a doublé en 10 ans. Boeing, Airbus produisent au Maroc. Limitées à trois fois rien à la fin des années 2000, les exportations de la filière approchent désormais 1,5 milliard de dollars.
Sortir de la dépendance des donneurs d’ordres étrangers.
La dépendance aux capitaux étrangers expose toutefois une partie de l’industrie marocaine aux choix stratégiques de multinationales. Ce risque bien compris pousse l’État à encourager aussi le développement de champions nationaux, notamment dans des secteurs qui valorisent les richesses naturelles du pays. C’est le cas de l’agroalimentaire. Le pays bénéficie en amont de la richesse de son agriculture et de sa pêche mais est encore freiné par un outil productif sous-dimensionné. Son développement, sa structuration passe par la présence de multinationales étrangères (Nestlé, Coca, Danone) mais aussi de plus en plus par de grandes entreprises locales. L’exploitation des sous-sols, du phosphate et de ses dérivés est aussi un enjeu stratégique. Leader mondial en la matière, le secteur est structuré autour du groupe national OCP et ambitionne de devenir un des futurs hubs de la chimie mondiale. Comme pour l’agroalimentaire, l’objectif est de marcher sur deux jambes, c’est-à-dire de développer une offre 100% marocaine aux côtés des filiales comme BASF ou Bayer.
Un modèle industriel à suivre pour l’Afrique du Nord
Cette même volonté de sortir de la dépendance de donneurs d’ordre étrangers trop concentrés anime la filière traditionnelle du textile tout comme celle en devenir de l’électroménager. Tirer parti des partenariats internationaux (en l’occurrence Bosh, Siemens, Haier), améliorer l’offre industrielle domestique, développer un écosystème avec une forte intégration de composants locaux, le même schéma se répète. Alors, certes, la capacité d’entraînement du Maroc sur l’Algérie et la Tunisie est faible, le Royaume comptant pour moins de 2% des exports des deux pays, ce n’est donc pas une locomotive, mais plus un modèle à suivre pour le Maghreb et plus largement l’Afrique du Nord. Son voisin algérien l’a bien compris, qui réinvestit désormais sa rente pétrolière dans son industrie.
ALEXANDRE MIRLICOURTOIS.
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