À Gaza, l’Institut français pris dans la tourmente de la guerre.

La France est le seul pays étranger à posséder un centre culturel dans la bande de Gaza. Début novembre, le bâtiment a été frappé par un bombardement israélien et son personnel est en train d’être évacué vers Paris.

Par Antoine Pecqueur .

telerama.fr

LInstitut français de Gaza avait prévu de commémorer en décembre les 20 ans du programme de résidences artistiques entre la France et la Palestine. Mais depuis les attaques du Hamas sur Israël le 7 octobre, le bâtiment, situé sur la bien nommée rue Charles-de-Gaulle, a fermé ses portes. « Au début de la guerre, l’Institut a d’abord servi d’abri pour le personnel, en particulier pour les collaborateurs vivant au nord de Gaza, les plus impactés par les représailles israéliennes, explique Ihab Abou Maamar, chargé des activités culturelles de l’Institut, qui a pu quitter Gaza le 7 novembre et se trouve désormais en France. Mais ensuite, les autorités françaises ont appelé à quitter les lieux. »

Le bâtiment de 1 000 mètres carrés a été la cible d’un bombardement israélien le 3 novembre, le lendemain de la frappe visant le bureau de l’AFP. Le Quai d’Orsay a officiellement demandé des explications à Israël. Selon nos informations, l’édifice a également subi des dommages collatéraux samedi 11 novembre. Sa localisation est particulièrement stratégique : « L’Institut est situé en plein centre de Gaza, à côté du ministère de l’Intérieur et des services de sécurité du Hamas », souligne Ihab Abou Maamar.

Les frappes n’ont pas fait de victime, le personnel ayant été évacué. En revanche, selon nos informations recueillies auprès d’agents de l’Institut français préférant rester anonymes, Mohammed Qoreqaa, un jeune animateur vacataire de l’Institut français, est mort le 17 octobre dans l’explosion à l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza où il était venu apporter bénévolement un soutien psychologique à des enfants hospitalisés. Fathia Falit, professeure de français vacataire à l’Institut, a, elle, été tuée le 12 octobre dans le bombardement de sa maison.

Depuis le début du conflit, le Consulat général de France à Jérusalem, dont dépend l’Institut français de Gaza, cherche à évacuer le personnel. « Nous nous concentrons totalement sur les possibilités de les sortir de là », nous a répondu depuis Jérusalem le directeur de l’Institut français de Gaza, François Tiger, déclinant toute demande plus longue d’entretien. C’est ainsi que, parmi d’autres agents, Ihab Abou Maamar a pu quitter avec sa famille la bande de Gaza. « Après deux tentatives infructueuses, nous avons réussi à passer le poste-frontière de Rafah. Nous avons été ensuite évacués de l’Égypte vers la France. » Les agents évacués de l’Institut français sont actuellement hébergés dans un hôtel parisien, avant de se voir attribuer un logement provisoire.

La plupart n’étaient jamais sortis de la bande de Gaza. Une partie du personnel refuse néanmoins toujours de quitter l’enclave, un choix que peut comprendre Ihab Abou Maamar : « Mes pensées sont encore à Gaza. Si je suis parti, c’est pour mes enfants. J’ai une cinquantaine d’années, je peux mourir, mais pas eux. Ma fille souffre déjà de stress post-traumatique depuis les affrontements de 2021. »

Fermeture provisoire ou définitive ?

Ihab Abou Maamar est en poste depuis vingt-cinq ans. L’Institut français de Gaza a ouvert ses portes en 1982, en pleine guerre du Liban. Devant la Knesset, François Mitterrand défend alors la solution à deux États. La France est le seul pays étranger à posséder un centre culturel dans l’enclave. L’une de ses principales missions est de proposer des cours de français – c’est notamment dans ses locaux que l’actuelle ambassadrice palestinienne en France, Hala Abou Hassira, a appris cette langue. En parallèle sont aussi organisés des expositions, des concerts…

« C’est le lieu culturel le plus important de l’enclave », rappelle Ihab Abou Maamar. Une place pas forcément confortable. « Il nous fallait manœuvrer adroitement avec les islamistes du Hamas, même si nous ne dépendions pas d’eux », observe une source diplomatique. « La musique était le genre artistique le plus compliqué à faire vivre. Nous ne pouvions par exemple pas donner de concert avec des femmes musiciennes à l’extérieur du centre », nous explique Ihab Abou Maamar. L’Institut était aussi apprécié pour sa médiathèque où les étudiants de Gaza venaient profiter de la connexion Internet dans un bâtiment climatisé. Un luxe dans cette ville.

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