EDITORIAL. JACQUES BENDELAC. Depuis plus d’une décennie, la lutte contre la cherté de la vie en Israël peut se résumer en une décision majeure : la création de commissions interministérielles.

Ce qui explique sans doute qu’en 2023 le coût de la vie y est, toujours et encore, plus élevé que la moyenne des pays occidentaux.

« Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission » ; cette formule attribuée à Clemenceau s’applique à merveille à Israël ; pas moins de six commissions interministérielles de lutte contre l’inflation et la cherté de la vie ont vu le jour au cours des douze dernières années.

Concrètement, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espoirs, c’est le moins qu’on puisse dire : les prix ont continué de s’envoler et Israël figure toujours en tête des pays occidentaux pour la cherté de la vie.

Populisme économique

On aurait presque tendance à croire que les autorités israéliennes n’ont pas vraiment l’intention de lutter contre la cherté de la vie ; tout au plus de « faire semblant » pour calmer la grogne populaire.

Lorsque les causes d’un phénomène sont connues, il n’est pas nécessaire de créer une commission pour le combattre ; c’est le cas de la cherté de la vie en Israël, imputable au manque de concurrence et aux obstacles tarifaires aux importations qui ne permettent pas d’abaisser les prix élevés de l’alimentation.

Lorsque l’Etat libéral est impuissant à enrayer la flambée des prix, il adopte des mesures démagogiques aux accents de populisme, comme la distribution de cartes alimentaires ou l’école gratuite.

C’est la même motivation qui a conduit le Premier ministre Netanyahou à créer, début juin, une commission destinée à lutter contre la cherté de la vie ; elle est constituée de douze ministres en exercice et de multiples experts qui viennent de démarrer leurs travaux.

Cette commission Netanyahou est la sixième du genre mise en place en Israël au cours des douze dernières années.

Histoire d’un échec

Un bref rappel historique de l’échec de la lutte contre le coût élevé de la vie en Israël permet de ramener la nouvelle commission Netanyahou à sa juste proportion.

En 2011, la « révolte des Tentes » contraint le gouvernement Netanyahou à mettre en place la commission Trajtenberg destinée à lutter contre la cherté de la vie, notamment le logement et l’alimentation de base ; et d’une !

En 2013, le ministre des Finances Yaïr Lapid met en place une commission pour réduire le prix des produits importés ; et de deux !

En 2013 toujours, le Premier ministre Benyamin Netanyahou réunit une autre commission interministérielle de lutte contre la cherté de la vie ; et de trois !

En 2018, le ministre des Finances Moshé Kahlon annonce la création d’une commission dirigée par le professeur Yaron Zeliha pour examiner la cherté de la vie ; et de quatre !

En 2022, le ministre des Finances Avigdor Lieberman promet de réunir une commission de lutte contre la cherté de la vie ; et de cinq !

En 2023, le Premier ministre Benyamin Netanyahou fait approuver par son gouvernement la création d’une commission interministérielle pour lutter contre la hausse des prix ; et de six !

Douze ans, six commissions, beaucoup de promesses et peu de résultats : à l’exception de la commission Trajtenberg dont une partie des recommandations a été appliquée, les autres commissions n’ont pas répondu aux attentes du consommateur israélien.

Les expériences antérieures montrent que la fin de la nouvelle commission Netanyahou est déjà connue ; Georges Clemenceau doit se retourner dans sa tombe…

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris.
TIMES OF ISRAEL.
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