Le marché de la lingerie est en pleine expansion au Moyen-Orient, avec des dépenses moyennes estimées en Arabie saoudite au double de celles de la France. Pour Israël, IsraelValley va mener une enquête. Nous sommes à la recherche d ‘une enquêtrice…

Selon lemonde.fr,

« Les souks arabes du Moyen-Orient offraient depuis longtemps des étalages de sous-vêtements féminins, dont les couleurs criardes rehaussaient les coupes suggestives. La clientèle en était souvent voilée, généralement en groupe et volontiers exigeante face au vendeur toujours masculin de ce type d’échoppes. Peu d’hommes osaient franchir la porte de ces boutiques et ne le faisaient qu’en mettant en avant la nécessité de pimenter leur nuit de noces. C’est d’ailleurs cette raison qui continue d’être fréquemment invoquée par les acheteurs masculins de lingerie. Mais des magasins spécialisés ont essaimé dans les centres villes des capitales arabes et les galeries commerciales du Golfe, sur fond de véritable boom de la lingerie, dont le Moyen-Orient serait devenu le premier marché mondial.

LES DESSOUS DU GOLFE  

Le centre de l’agglomération du Caire, la plus importante du monde arabe avec sa vingtaine de millions d’habitants, compte désormais de nombreuses boutiques de lingerie. Elles sont plutôt construites sur deux niveaux, avec dessous affriolants en vitrine, mais gérant masculin à l’entrée, tandis que les clientes, de l’adolescente à la sexagénaire, sont assistées par des vendeuses à l’étage, afin de comparer et d’essayer les produits en toute tranquillité. Les modèles traditionnels côtoient des créations plus coquines, avec les « indémodables » panoplies de l’infirmière ou de la soubrette sexy. En revanche, la mode des sous-vêtements « comestibles » (sic), car parfumés au chocolat, à la fraise ou au miel, a fait son temps. Une vendeuse constate que « les femmes en voile intégral sont parfois celles qui achètent les pièces les plus osées ». Le succès de telles boutiques a convaincu les grandes marques internationales d’implanter leurs propres enseignes au Caire, avec Victoria’s Secret dès 2013, suivie depuis par Etam, La Vie en rose ou Women Secret.

C’est cependant l’Arabie saoudite, avec un marché déjà estimé à un milliard de dollars en 2017, qui attire le plus les professionnels de la lingerie. L’une d’elles considère que « les Saoudiennes achètent deux fois plus de sous-vêtements que les Françaises, avec une préférence marquée pour la lingerie haut de gamme et les marques de luxe européennes ». Cela fait dix ans que le royaume wahhabite a décrété que seules des femmes pourraient travailler dans les boutiques de lingerie, jusqu’alors tenues par un personnel exclusivement masculin. Les objections du clergé, fustigeant le fait qu’une femme soit ainsi autorisée à vendre des dessous à un éventuel client, avaient alors été balayées. L’essor des magasins spécialisés a depuis été spectaculaire, même si la vente en ligne continue d’être prospère en dehors des centres urbains. Les clientes les plus fortunées privilégient cependant la démonstration et l’achat à domicile, avec des « séances » facturées à plus d’un millier de dollars, une pratique que la pandémie n’a pu qu’encourager.

DES ENTREPRENEUSES DYNAMIQUES

Dubaï a naturellement développé son offre en matière de lingerie, avec installation des grandes marques dans les malls commerciaux ou dans des boutiques dédiées des quartiers huppés. Le fait que cet émirat soit une destination privilégiée du tourisme sexuel n’a pu qu’accentuer une telle tendance. L’entreprise canadienne La Senza, d’abord rachetée par un fonds koweitien, est désormais la propriété d’un groupe émirati, avec une dizaine de boutiques réparties dans tout Dubaï. Mais l’enseigne française Chantelle, l’anglaise Agent Provocateur ou les italiennes La Perla et Intimissimi ont aussi, avec bien d’autres, pignon sur rue dans l’émirat. L’influenceuse Kim Kardashian a même ciblé le Golfe pour le développement fulgurant de sa marque Skims, dont les sous-vêtements aux formes généreuses peuvent être livrés à domicile en deux heures à Dubaï et en trois heures à Riyad. 

Loin de telles stratégies de groupe, des créatrices arabes ont contribué par leur inspiration personnelle à ce marché porteur de la lingerie. L’Egyptienne Nada Adel a ainsi lancé sa propre marque depuis le quartier cairote de Garden City, avec pour objectif proclamé de « rendre sexy et confiante » sa future cliente. Deux entrepreneuses américaines, l’une d’origine palestinienne, Christina Ganim, l’autre italienne, Nicola Isabel, ont fondé à Ramallah la marque Kenz, en arabe « Trésor », dont les produits sont diffusés en ligne. Malgré les difficultés inhérentes à toute opération à partir de la Cisjordanie, toujours majoritairement occupée par Israël, Kenz a rapidement conquis sa niche au Moyen-Orient. Ganim vise une « position intermédiaire » entre les deux « extrêmes des tenues fofolles et de la fadeur du coton ordinaire », tandis qu’Isabel pense que « l’achat en ligne peut créer une expérience confortable de shopping » pour les femmes arabes. Sarah Al Abdulkareem a fondé à Koweït Madame Bijouxx, dont l’offre initiale de lingerie s’est ensuite étendue à une gamme plus vaste de vêtements féminins. Mais elle regrette les préjugés encore tenaces dans le monde arabe à l’encontre de la lingerie, commentant qu’il « ne s’agit pas de sexe, mais de ce que nous souhaitons porter ».

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