Jacques BENILLOUCHE. Pour les Israéliens le coût de la vie ne cesse de grimper. Il n’est donc pas étonnant que les Israéliens boudent le pays pour se rendre à l’étranger.
Les prix des hôtels sont devenus fous à Eilat et à Tel-Aviv, à 500 euros la nuit au minimum pour un service qui se dégrade continuellement faute de personnel. Il est peu coûteux de voyager en Italie avec un prix d’hôtel 4 étoiles à 150 euros et des repas, entrée-plat-dessert-vin pour 40 euros (6+20+6+8) (144 shekels). Nous l’avons testé à Milan, non pas dans un petit boui-boui mais dans un grand restaurant gastronomique. Nous avons constaté cela plusieurs fois en vacances à l’étranger dans des destinations qui se distinguent des pays sous-développés, forcés à brader leur service face à un personnel aux abois.
Le coût de la vie en Israël sera certainement l’angle sous lequel les politiques devraient se déterminer pour ces prochaines élections car les prix ont atteint des sommets. On ne peut pas continuer à engraisser impunément les monopoles qui empêchent la concurrence.
Bien sûr, on va arguer qu’il s’agit d’un langage d’un gauchiste ou d’un antisioniste mais tout le pays en souffre, même la classe moyenne. Quant au problème du logement, on ne peut l’aborder que si on y met les moyens. Ne parlons pas des appartements du centre de Tel-Aviv à des prix faramineux mais de certains secteurs encore protégés où aucune location ne se négocie à des milliers de shekels par mois.
Bien sûr, pour des raisons de budget certains vont à Ashkelon ou Hedera à 3.000 shekels mais c’est au détriment de la durée du transport, loin des principaux emplois qui se situent autour de la capitale économique. La hausse annuelle de 16 % des prix des appartements neufs empêche les jeunes d’envisager de posséder leur propre maison. Alors ils préfèrent vivre à Berlin.
Certains nouveaux immigrants retournent dans leur pays d’origine après avoir éprouvé des difficultés à l’arrivée en Israël. En plus de l’agitation du déménagement dans un nouveau pays, ils font face à des défis spécifiques qui les obligent à abandonner leur rêve de se fixer en Terre sainte. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Israël se classe comme le pays avec le taux de pauvreté le plus élevé des membres de l’OCDE. Environ 21% des Israéliens vivent sous le seuil de pauvreté.
L’envolée des prix n’est pas un problème mineur. Il conditionne déjà la question de l’alyah de ceux qui n’ont pas les moyens de vivre décemment au pays et qui, sans crier gare ni se lamenter publiquement prennent la voie du retour quand ce n’est pas simplement le report de leur voyage. On les retrouve alors à Paris ou à Sarcelles, honteux d’avoir échoué et sans aucune rancune vis-à-vis d’Israël car ils reportent la faute sur eux alors qu’elle est cogérée.
Les hautes envolées lyriques sur le sionisme n’ont plus cours quand le ventre est vide. Les hommes politiques doivent parler takhless, comme on dit ici, et il ne s’agit ni d’un problème de droite ou de gauche, mais d’un problème humain. Cette classification a depuis longtemps éclaté. On se demande comment les immigrés ukrainiens, souvent ruinés par la guerre, pourront s’en sortir sans aide massive des Américains comme en 1990.
Alors pour ces élections, il faut laisser les beaux discours de côté et éviter les grandes envolées sur le sionisme ou la religion. Et pourtant le gouvernement se vante que le déficit budgétaire est vaincu avec des dépenses égales aux recettes de l’État alors qu’en Europe il dépasse les 3%. Les caisses de la Banque d’Israël explosent avec des réserves de change s’élevant à la fin avril 2022 à 197,630 milliards de dollars. Cet argent appartient à l’État certes, mais le gouvernement peut obtenir des prêts de sa banque en cas de besoin et pour des projets équitables. A quoi cela sert d’être assis sur un tas d’or quand on ne peut jamais utiliser ces fonds ?
Israël est riche mais coupé en deux mondes, 10% de privilégiés, ceux du hightech en particulier, et le reste de la population qui subit en silence sous prétexte que les problèmes et les dangers sécuritaires imposent de la retenue. La politique politicienne divise artificiellement et elle demande du courage qui manque chez nos dirigeants face à des solutions rapides non démagogiques. Mais ils craignent de se confronter aux monopoles. Quelques pistes qui avaient été envisagées par l’ex-ministre Kahlon qui ont été écartées par Netanyahou, poussant d’ailleurs son ministre à quitter la politique par dépit. Pourquoi les prix de France sont inférieurs de 30% à ceux d’Israël?
1/ Réduire la TVA des produits alimentaires de 17 à 5% et augmenter la TVA à 20% pour les produits de luxe. L’une compensera l’autre. L’argument fallacieux consiste à dire que la baisse ne sera pas répercutée par les supermarchés. À quoi sert la police des prix ?
2/ Distribuer des terres domaniales à des promoteurs sociaux pour la construction autour des grandes villes de logements à bas prix. Le prix du terrain intervient à 30% dans le prix d’un appartement. L’argument fallacieux prétend que cela entrainera des faillites de promoteurs. Et alors ? Ils n’ont pas cessé de s’engraisser à nos dépens depuis des décennies.
3/ Autoriser l’installation de la concurrence dans les chaines de supermarchés avec l’arrivée d’étrangers comme l’américain Costco ou l’allemand Aldi. L’argument fallacieux consiste à dire que l’on favorise les sociétés étrangères au détriment des israéliennes.
4/ Libérer les importations qui ne concurrencent pas les produits fabriqués en Israël
Bref ! Les gouvernements profitent que les Israéliens soient dignes et disciplinés et qu’ils supportent leur situation et leur mal en silence. Mais attention au réveil !
Article initialement publié dans Temps et Contretemps.