En ce printemps 2022, c’est la surchauffe de l’économie israélienne qui est à craindre ; la machine économique tourne trop vite et elle risque l’emballement.

Il y a peu de temps encore, on s’interrogeait sur les capacités de l’économie israélienne à retrouver son niveau d’avant la crise sanitaire.

Aujourd’hui, la question ne se pose plus ; non seulement l’activité économique a rattrapé le manque-à-gagner engendré par le Covid, elle a même retrouvé son niveau d’avant-crise plus tôt que prévu.

La fête de Pessah, qui vient de s’achever, aura été particulièrement « chaude » : les dépenses de consommation des Israéliens ont atteint de nouveaux sommets, davantage que les achats de Pessah 2019, avant le Covid.

Pour calmer l’emballement économique, la Banque d’Israël a donc décidé de renchérir le coût de l’argent ; en mai prochain, pour la première fois depuis quatre ans, le taux d’intérêt directeur passera de 0,1 à 0,35% ; la hausse d’un quart de point semble modérée mais le renversement de tendance est bien marqué.

Crainte de surchauffe

Il était temps : l’économie israélienne tourne trop vite et l’emballement devient préoccupant, ce qui rend urgent de la ralentir.

La forte croissance de l’activité est le premier symptôme de la surchauffe de l’économie ; en 2021, le PIB a connu une croissance exceptionnelle de 8,1%, un taux jamais vu depuis plusieurs décennies.

Après les confinements à répétition, l’Israélien a retrouvé sa frénésie d’achat : en 2021, la consommation privée a fait un bond de 11,7%, rattrapant et même dépassant la perte enregistrée en 2020 pour cause de Covid.

Les entreprises aussi ont du mal à suivre le mouvement et elles peinent à engager du personnel pour faire face à la demande : le taux de chômage vient de retomber à son niveau d’avant-Covid, autour de 3%.

Conséquence de cet emballement : l’inflation relève la tête. Au cours des douze derniers mois, les prix ont progressé de 3,5%. Pas terrible, mais suffisant pour convaincre la Banque d’Israël de relever les taux d’intérêt.

Nécessité de refroidissement

En rendant l’argent plus cher, les autorités monétaires espèrent freiner la consommation des ménages (réglée à crédit) et ralentir l’achat d’immobilier (financé par des prêts hypothécaires).

D’autant plus que la remontée des prix des matières premières (pour cause de guerre en Ukraine) va s’accentuer durant les mois à venir et se répercuter aussi en Israël.

La banque centrale n’avait pas d’autre choix que de relever son taux d’intérêt, ouvrant une ère nouvelle pour le consommateur israélien : la fin des taux quasi nuls qui favorisaient les achats à crédit.

C’est donc bien le moment de refroidir l’économie pour juguler la demande et ralentir les prix.

La décision de la Banque d’Israël aurait même pu être déjà prise il y a deux ou trois mois ; il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Times of Israel.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998 et à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005. Aujourd’hui, il enseigne l’économie d’Israël au Collège universitaire de Netanya. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
Partager :