90 minutes : c’était la durée du journal télévisé de 20h sur les chaînes commerciales d’Israël ; interminable, même pour les Israéliens qui sont de grands amateurs d’informations.

Ce scandale médiatique est terminé : l’Autorité israélienne de l’Audiovisuelle a  obligé les chaînes à raccourcir leur JT du soir. Depuis quelques semaines le journal TV est de 45 minutes.

UN ARTICLE DE JACQUES BENDELAC. « Le 20h de la télévision israélienne est un rite : tous les soirs à la même heure, les Israéliens, dans leur grande majorité, sont rivés au petit écran puisque c’est l’heure de leur émission préférée, celle du journal.

Seulement voilà : les chaînes commerciales (Keshet 12 et Reshet 13) ont fini par abuser de la passion des Israéliens pour allonger leur journal ; le JT dure une heure et demie en semaine et deux heures le vendredi soir !

C’est bien en Israël que la durée du journal télévisé semble être une des plus longues au monde : en Europe, la durée moyenne d’un JT tourne autour de 30 mn et aucun producteur ne songerait à dépasser le délai imparti.

Une actualité brûlante.

Ce ne fut pas toujours le cas en Israël ; au fil des années, le JT est passé de 30 à 45 minutes, puis à une heure ; il continuera à déraper progressivement pour atteindre aujourd’hui 90 minutes.

Certes, l’actualité israélienne ne manque pas d’intérêt, mais quand même ! L’Israélien s’est habitué à suivre longuement à la télé des évènements souvent dramatiques, dans le domaine sécuritaire, politique, économique, sanitaire, etc.

Même après 73 ans d’existence, Israël vit encore au gré des crises gouvernementales, d’actes terroristes et de procès à retentissement ; l’Israélien ne se lasse jamais d’écouter et de voir en boucle le récit des nouvelles du jour.

Résultat : même à l’heure des réseaux sociaux et des médias numériques, le JT a la vie longue ; les chaînes n’hésitent pas à interrompre leurs programmes pour rendre compte de l’actualité brûlante.

Une manne financière.

En Israël, la longueur du JT est d’abord déterminée par les chiffres de l’audience, qu’on appelle ici le « rating ».

En entrecoupant les infos de pauses publicitaires, les chaînes privées profitent de l’engouement des Israéliens pour les infos afin d’augmenter leurs recettes publicitaires à une heure de grande écoute.

Et en fidélisant l’Israélien jusqu’à la dernière minute (c.-à-d. la météo), la chaîne s’assure que le téléspectateur ne la quittera pas tout au long de la soirée ; ce qui est bon pour le rating et donc bon aussi pour les recettes publicitaires.

Autrement dit, un JT est une manne financière ; il coûte peu à produire mais il rapporte gros, très gros !

Ces dernières semaines, l’Autorité de l’Audiovisuelle tente de ramener les chaînes à la raison ; elle a tenu plusieurs réunions pour convaincre la direction de Keshet 12 et Reshet 13 de réduire à 60 minutes la durée maximale de leur JT.

Même une heure de JT, c’est encore beaucoup ; mais c’est toujours mieux que 90 mn et cela permettra une réduction progressive vers une durée normale de 30 à 40 mn.

En cette fin 2021, il est temps de mettre fin aux interminables JT des chaînes israéliennes ; même au prix d’une rentabilité plus modeste ».

Times of Israel

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998 et à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005. Aujourd’hui, il enseigne l’économie d’Israël au Collège universitaire de Netanya. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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