Si Poutine poursuit les exactions contre les civils, Israël sera nettement plus critique face à la Russie

De plus en plus d’Israéliens déplorent la timidité de l’attitude de leur pays dans le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine, tandis que d’autres, au contraire, saluent la prudence du gouvernement Bennett-Lapid. Mais après une semaine de conflit sanglant, on peut avancer plusieurs conclusions déterminantes pour le positionnement de l’Etat hébreu.

L’Occident, plus déterminé que prévu face à Poutine.

L’actuel conflit bouleverse un ordre mondial que l’on croyait, jusque-là, solidement établi, et les démocraties occidentales apparaissent plus mobilisées et plus réactives que jamais contre l’Ours russe.

Comme si l’invasion de l’Ukraine avait réveillé des réflexes défensifs soigneusement enfouis depuis la Seconde Guerre mondiale. Depuis dix jours, l’Occident pacifiste multiplie ainsi les mises en garde. Preuve de l’ampleur de ce grand chambardement, Olaf Sholz, le chancelier allemand, a même annoncé un budget de 100 milliards d’euros pour doter l’Allemagne d’une puissante armée !

Les peuples d’Europe et des Etats-Unis semblent avoir également mis de côté leurs préoccupations personnelles, pour se solidariser avec la cause du plus faible et de l’agressé ukrainien.

Quant aux sanctions économiques, elles sont bien plus radicales, immédiates et dévastatrices qu’on ne l’aurait initialement imaginé. Biden n’est donc pas Chamberlain, et l’Ukraine de 2022, qui résiste avec courage à l’agression russe, n’est donc pas la Tchécoslovaquie de 1938. Ouf, on respire…

Dans l’absolu, Israël a de bonnes raisons de se sentir rassuré par cette attitude « militante ». Cependant, cette solidarité a des limites que Biden et l’Europe ont clairement tracées: aucun soldat américain ou européen n’ira combattre pour préserver la démocratie ukrainienne: des sanctions oui, des armes, peut-être, mais certainement pas des combattants sur les champs de bataille.

L’autre conclusion qui s’impose est la nécessité d’une Tsahal plus puissante que jamais: la position occidentale en Ukraine est précisément la raison pour laquelle Israël doit rendre aujourd’hui un hommage appuyé à ceux des pères fondateurs de l’Etat qui,  trois ans après la fin de la Shoah, ont délibérément décidé que le seul moyen de concrétiser le fameux « Plus jamais cela » était de forger une force militaire régionale, dont la puissance dissuasive ne pourrait être remise en cause. Ceux qui ont érigé la force de frappe de Tsahal ont compris ce que les Ukrainiens découvrent aujourd’hui, à savoir que la raison du plus fort est souvent la meilleure, et que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même…

La politique de prudence du gouvernement Benett-Lapid.

En condamnant l’invasion russe devant l’Assemblée générale des Nations unies, Israël s’est positionné aux côtés de l’Ukraine, des valeurs morales et du droit international.  Mais en refusant, dans le même élan, de fournir à Kiev des systèmes de défense « Dôme de fer », l’Etat hébreu opte aussi pour la prudence, et n’oublie pas que la poursuite de ses raids aériens contre des cibles pro-iraniennes en Syrie dépend de sa coopération étroite avec l’armée russe. Ménager la chèvre et le chou, est donc la quintessence de la position actuelle d’Israël. Une position à deux voix, Lapid condamnant la Russie, tandis que Bennett vante l’aide humanitaire israélienne à l’Ukraine, c’est là le fragile équilibre sur lequel repose la position actuelle des Israéliens.

Certains responsables dans le pays voudraient que l’Etat hébreu, érigé par les rescapés de la Shoah, se range plus résolument aux côtés des forces du Bien, donc de l’Occident, quitte à faire les frais de ce soutien sur le sol syrien. Mais personne n’ose réellement envisager un veto russe au survol du ciel syrien par les avions de chasse israéliens. Il suffit d’écouter les estimations sans équivoque des experts du ministère de la Défense pour s’en convaincre.

Toutefois, Israël ne reste pas « vissé » sur une seule et unique position. Si Poutine devait multiplier les exactions contre la population ukrainienne ou s’il devait s’en prendre aussi à des cibles juives à Kiev ou Kharkiv, cette prudence israélienne pourrait céder la place à une attitude nettement plus critique, voire hostile. Mais pour l’instant, cette semi-neutralité israélienne permet à l’Etat hébreu de faire office de fragile courroie de transmission entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelenski.

Par deux fois en une semaine, le président ukrainien a ainsi sollicité l’aide de Bennett et quelques heures plus tard, le Premier ministre israélien a téléphoné à Poutine, apparemment pour lui livrer les sollicitations du président ukrainien. Le simple fait que Poutine n’ait pas raccroché au nez de Bennett prouve que le dictateur russe souhaite aussi ménager Israël, et ne tient pas vraiment rigueur à l’Etat hébreu pour ses condamnations sur la scène internationale.

L’impact du conflit sur les négociations nucléaires de Vienne.

Depuis le déclenchement des hostilités en Ukraine, l’accord de Vienne, que l’on disait imminent, est en suspens. On imagine en effet très mal, dans la conjoncture actuelle, les Américains et les Russes apposer leurs signatures au bas d’un document conjoint sur le nucléaire iranien !

 En Israël, on entend profiter de cette situation pour avancer un argument choc: comment les Occidentaux pourraient-ils, dans un même élan, imposer des sanctions économiques draconiennes à la Russie, et lever, dans le cadre d’un accord, des sanctions semblables contre l’Iran qui, on le sait, menace ouvertement l’existence même de l’Etat d’Israël ? Côté israélien, on espère que la fermeté manifestée par Joe Biden face à Vladimir Poutine, poussera l’administration américaine à durcir également le ton face à Téhéran, et à réviser à la baisse les clauses déjà conclues d’un accord de Vienne renouvelé.

Mais du côté de Téhéran, on considère au contraire qu’une Russie en position de force sur le front ukrainien permettra aux négociateurs iraniens de durcir le ton cela dans les pourparlers de Vienne. Quoi qu’il advienne, il ne fait pas de doute que le conflit en Ukraine aura des répercussions déterminantes sur le dossier du nucléaire iranien…

Daniel Haïk (i24News)

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