L’histoire de comment Israël est devenu le deuxième marché pour la compagnie de chaussures Blundstone pourrait être une métaphore sur la création des tendances.
C’est aussi l’histoire de comment une bottine, dessinée à l’origine pour les agriculteurs et les ouvriers d’usine, est maintenant portée par tout le monde, des adolescents suivant la mode aux voyageurs en passant par les employés de bureau.
Mais personne n’est aussi surpris que le PDG de Blundstone, Steve Gunn, quand il repense au fait qu’un pays du Moyen-Orient avec neuf millions d’habitants est devenu un client si important pour une entreprise située à plus de 12 000 kilomètres.
« On est passé d’un marché intéressant à un phénomène en moins de trois ans », rit Gunn au téléphone, depuis son bureau à Hobart, la capitale de l’île australienne de Tasmanie. « C’est un peu grâce au très bon travail de nos partenaires de distribution, mais surtout grâce à des gens qui ont décidé que c’était ce qu’ils voulaient porter ».
L’opportunité des bottines.
C’est Amos Horowitz, un commercial israélien qui cherchait un nouveau business, qui a importé en 1999 les bottines de cuir brun, montantes à la cheville et flanquées d’élastiques sur les côtés. Il a remarqué que son voisin en portait une paire achetée pendant un voyage à l’étranger, et y a vu une opportunité.
Horowitz a approché Blundstone lors d’une foire commerciale en Europe, et s’est ensuite rendu en Tasmanie pour une courte visite, pour voir l’usine et apprendre à connaître l’entreprise de chaussures.
Quand il est arrivé, c’était une première pour Blundstone, où « personne n’avait jamais visité Israël et n’avait aucune connaissance du marché des chaussures là-bas », se rappelle Gunn, qui a rejoint la compagnie en 1994. « Mais c’était un gars bien ; il est du genre passionné et énergique ».
Michael Horowitz, frère d’Amos et partenaire au travail, acquiesce : « c’est un homme très charismatique. Il a dit, ‘Je n’ai jamais fabriqué ni vendu de chaussures, mais si je les vends, je le ferai d’une façon qui apportera le succès’. Et ils ont conclu un marché ».
Horowitz a commencé à vendre les bottines depuis la remise de sa maison familiale.
« Cela a permis de créer une communauté de gens qui portaient des Blundstone », explique Michael Horowitz. « C’était très personnel. Et, habituellement, les marques commencent à se faire connaître dans le cœur du pays avant de toucher les périphéries : ici, on a fait le contraire ».
Comme en Australie, où les Blundstone furent utilisées en premier comme chaussures de travail, en Israël elles furent achetées par des coopératives de moshav ou de kibboutz, qui avaient compris à quel point les chaussures étaient utiles lorsqu’ils allaient de l’étable ou de l’usine aux champs boueux.
Idem pour les Hiérosolymitains qui doivent faire attention sur les trottoirs glissants lors des hivers pluvieux.
Horowitz a rapidement agrandi son affaire et a commencé à vendre à des magasins de bricolage et de construction, qui ont placé des boîtes de Blundstone à côté des piles de pots de peinture et de brosses. De là, les ventes se sont étendues aux magasins de fournitures de jardin, de camping et d’uniformes, jusqu’à ce qu’il finisse par entrer sur le marché de la chaussure généraliste.
Lorsque Gunn visita Israël en 2002, il trouva qu’Horowitz « avait une diversité raisonnable de clients », se souvient-il.
« C’était peut-être autour de 10 000 paires vendues par an dans un pays relativement petit », poursuit-il. « Je n’en aurais pas attendu plus, vu la particularité du marché, et j’étais content de la situation ».
Mais le marché israélien de la Blundstone a ensuite explosé, avec des dizaines de milliers de paires vendues chaque année, particulièrement chez les hommes et les enfants. Blundstone est l’une de ces marques de bottes populaires en Israël où, selon Gunn, environ un Israélien sur 15 a acheté une paire de Blundstone en 2015.
C’est la chaussure que les Israéliens aiment porter, peut-être parce qu’elle évoque les jours du kibboutz et du moshav, quand les vêtements étaient plus simples, et que les gens avaient une ou deux paires de chaussures qui convenaient pour la plupart des événements.
A un moment, explique l’importateur Horowitz, les Blundstone sont devenues « très tendances » en Israël, considérée autant à la mode qu’utile pour les randonnées, les longues marches et le travail. Les adolescents semblaient également les apprécier.
« C’est sexy de porter des Blundstone avec une jupe ou un jean », a-t-il ajouté.
Des choix tendance.
Les Blundstone ne sont sexy que pour une certaine partie de la population, nuance Adi Kilav, une fabricante de chaussures à Jérusalem qui fait des chaussures pour femmes, avec certains modèles pour hommes.
« On porte des Blundstone parce qu’on a ‘besoin’ de chaussures », explique Kilav. « Les femmes qui achètent mes chaussures le font pour le look et le confort ; leur seule limite est le prix ».
Cette tendance est moins visible à Tel Aviv, ajoute la designer Shani Bar, dont les chaussures à talon de style retro et les sandales sont seulement pour les femmes. Ses clients préféraient mourir que d’être vus avec ces bottines massives aux pieds.
« On en voit plus à Jérusalem et dans les villes plus reculées », remarque bar. « C’est une mode de niche, mais une mode très spécifique, très brute, si on peut dire ».
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