ISRAELVALLEY SPECIAL. De Daniel Rouach. Chronique « en direct » de l’Hôpital Ichilov. Depuis une dizaine de jours je « traine » dans les couloirs de Ichilov. (Chronique Numéro 1).

Un infirmier me transporte de salles d’examens en salle d’hospitalisation. En Israël, rien ne se passe comme partout ailleurs. Une familiarité permanente existe entre les israéliens. On a vraiment l’impression de se trouver « en famille ». Il suffit de parler l’hébreu. Hier un des malades (il a l’air d’être en phase terminale!) m’a suggéré de prendre moins de café et de… manger un peu moins de pomme de terre. Il ne me connait pas du tout, mais donner des conseils c’est une grande spécialité des israéliens.

Alors que je suis allongé sur un lit roulant (une couverture dissimule mon corps et visage) qui traverse en silence et lentement les longues allées de l’Hôpital, l’infirmier du nom de Dima (son tag est très visible), avec un accent Russe à couper au couteau, parle sans cesse derrière ma tête. Il porte un masque anti-Covid de marque SONOVIA (le meilleur au monde!) qui me rassure. Il doit avoir au moins 70 ans (sa très faible retraite ne lui permet probablement pas de quitter son job). Ce qui doit expliquer une certaine lenteur de mouvement.

Ceux qui me connaissent savent que je suis un « questionneur ambulant ». A un moment je lui demande depuis combien d’années il est là à transporter les malades? Question banale. Réponse incroyable. Dima (qui boîte un peu) me raconte la nuit d’horreur qui a eu lieu à Ichilov. Le soir où Rabin est mort.

Selon Wikipédia : « Le , Yitzhak Rabin, âgé de 73 ans, est touché par deux balles tirées à bout portant dans son dos. Ce meurtre intervient après qu’il a prononcé un discours lors d’une manifestation pour la paix sur la place des rois d’Israël, à Tel Aviv, aujourd’hui rebaptisée place Yitzhak Rabin.

Mortellement blessé, Yitzhak Rabin meurt sur la table d’opération de l’hôpital Ichilov de Tel Aviv quelques heures plus tard. Son assassin est Yigal Amir, juif extrémiste religieux, étudiant en droit et opposé aux accords d’Oslo, conclus en 1993 avec les Palestiniens. La date de cet assassinat est commémorée sur la place où il fut tué et qui porte désormais son nom, tout comme un grand nombre de rues et d’associations israéliennes ».

Dima me raconte en détail les cris et larmes de cette nuit historique. « Toutes les Autorités du pays étaient là, le visage en larmes ». Le Chirurgien qui a tenté de sauver Rabin et a annoncé la mort du Premier Ministre a parlé très récemment : « J’ai vu des gens – des chirurgiens, des anesthésistes, des gens des soins intensifs – s’effondrer par terre. Je n’ai jamais rien vu de tel. Des gens étendus sur le sol ; certains pleuraient à chaudes larmes. C’était un spectacle rare – je ne l’avais jamais vu avant, ni depuis », a-t-il souligné.

Lorsque Dima m’a laissé dans ma chambre bien plus tard, j’ai eu un sentiment de grande tristesse. Dima a été traumatisé comme des millions d’israéliens. La mort de Rabin a été une tragédie.

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LE PLUS. Times : « Le chirurgien qui a tenté de sauver Yitzhak Rabin lorsqu’il a été abattu lors d’un rassemblement pour la paix à Tel-Aviv en 1995, a parlé pour la première fois des événements de cette soirée, racontant les tentatives désespérées de réanimer le Premier ministre, le faible espoir qu’il survivrait et le moment dévastateur où il a dû déclarer sa mort ».

J’étais alors en train de lire des documents médicaux. Je n’oublierai jamais l’appel téléphonique. Vers 22h02, mon adjoint, le Dr Motti Gutman, a téléphoné. Il a dit que nous [allions] soigner Rabin, il est gravement blessé, peut-être mort….Il a été blessé par balle », s’est remémoré le chirurgien.

Il s’est ensuite précipité à l’hôpital puis dans la salle d’opération, qui était remplie d’environ trois fois le nombre normal de personnes.

« On a tenté désespérément de le réanimer. Les moniteurs montraient des ondes qui semblaient indiquer que son cœur fonctionnait, mais c’était parce que sa poitrine était ouverte et qu’on lui massait le cœur », a-t-il décrit.

« Pendant quelques minutes, l’écran montrait des signes de vie. Le cœur battait réellement et produisait même une certaine pression sanguine. Il y a eu quelques minutes comme ça qui ont donné un faible sentiment d’espoir… mais c’était artificiel, c’était simplement lié à nos efforts intenses pour le réanimer », s’est souvenu le chirurgien.

« Il était clair à ce stade qu’il n’y avait vraiment aucune chance de le sauver, mais nous avons continué à essayer. Il n’y avait aucune volonté d’abandonner. Personne de ceux qui avaient compris n’a eu le courage de déclarer [qu’il était mort] », a-t-il poursuivi.

Il a confié qu’à 23h07, un peu plus d’une heure après avoir reçu ce premier appel téléphonique, il n’avait pas d’autre choix que de déclarer la mort du Premier ministre.

« J’ai dû me lever et dire à tout le monde que j’étais vraiment désolé, mais que nous devions annoncer sa mort. Parce que nous avions épuisé tous nos efforts. Je les ai remerciés. C’était un moment terrible. Un moment terrible. Je ne l’oublierai jamais », a-t-il décrit, ému.

 

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