Cela peut paraître paradoxal, mais, pour les Chrétiens, la fête de Noël n’est pas née le jour de la naissance de Jésus-Christ, et d’ailleurs aucun texte du nouveau testament ne précise le jour de cet événement. Ce n’est qu’en 354 que le pape Libère a christianisé le 25 décembre, date à laquelle on célébrait sous les Gaulois et les Romains le solstice d’hiver, qui coïncidait avec les saturnales (la fête du Sol Invictus).
Ensuite, avec l’expansion du christianisme, la célébration de Noël s’est de plus en plus introduite dans les mœurs des Européens. Célébrée dès le Vème siècle en Irlande, elle a été introduite au VIIème siècle en Angleterre, au VIIIème en Allemagne, avant d’arriver en France.
Même l’étymologie du mot Noël est imprécise et au Moyen-Âge, ce terme était utilisé par le peuple pour saluer un événement heureux et c’est durant cette période que des spectacles, appelés des « mystères » étaient joués dans les églises et sur les parvis, qui mettaient en scène aussi bien les puissances divines que des scènes de la vie quotidienne des villes et des champs et où on imaginait, qu’à Noël, les animaux pouvaient parler (Walt Disney n’a rien inventé).
Puis sont apparus des airs spécifiques et « God Rest YeMerry, Gentlemen » est l’un des chants de Noël les plus anciens connus, dont la plus vieille partition a été imprimée vers 1760. En 1816, c’est dans un petit village d’Autriche, près de Salzbourg, qu’un prêtre a écrit un poème « Douce nuit, sainte nuit » (Stille Nacht, heilige Nacht), ensuite mis en musique, et la chanson éponyme a ensuite conquis le monde entier. C’est d’ailleurs grâce à ce chant, entonné le long du front belge près d’Ypres, par quelques soldats allemands le 24 décembre 1914, puis repris par des combattants anglais, qu’il y eut une trêve de Noël spontanée entre ennemis. C’est peut-être grâce à ce bel épisode que cette chanson fut intégrée en 2011 au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.
Après la 1ère guerre mondiale, les Américains prirent goût à ces airs qui permettaient de marquer la naissance du Christ et Noël devint presque une fête nationale marquée par de nombreux airs qui sont maintenant incontournables et dont la plupart furent composés par des émigrants juifs qui qui ne célébraient pas la fête, mais pour qui écrire des chansons de Noël était une marque d’adhésion à la culture chrétienne dominante de l’Amérique, ainsi qu’une forme de patriotisme.
Ainsi la chanson “Let it Snow” a été écrite par Jule Styne et Sammy Cahn (Samuel Cohen), fils d’immigrants juifs de Galicie – “It’s The Most Wonderful Time of the Year” par George Wyle (Bernard Weissman) et Eddie Pola (Edward Pollacsek), “Silver Bells” par Ray Evans et Jay Livingston et “White Christmas” d’Irving Berlin, né Israel Baline en Russie et qui a émigré aux USA en 1893.
Une mention spéciale peut être attribuée à Johnny Marks qui a grandi dans une famille juive aisée à Mt. Vernon, dans l’État de New York, mais qui avait manifestement un don particulier pour les chansons de Noël. Il a composé en 1949 certains des chants de Noël les plus populaires de l’ère moderne, notamment « Rockin’ Around the Christmas Tree », « A Holly, Jolly Christmas » et « Silver and Gold » et surtout « Rudolph the Red-Nosed Reindeer » (Rudolph, le renne au nez rouge) coécrit avec Robert Louis May (un autre juif aisé de la banlieue de New York !), qui est un reflet de l’ostracisme que May a ressenti en grandissant en tant que juif avec un grand nez. Ainsi, l’oeuvre peut ainsi peut être comprise à deux niveaux et constitue un chant de Noël, doublé d’une défense contre l’antisémitisme.