Selon la chercheuse Adriana Dias, spécialiste de l’extrême droite brésilienne, le nombre de « cellules néonazies » aurait bondi de 75 à 530 au Brésil entre 2015 et 2021. En tout, quelque 500 000 Brésiliens seraient consommateurs de produits liés au IIIe Reich (éditions de Mein Kampf , bustes de Hitler, brassards, drapeaux…).

Mais c’est en ligne que les néonazis sont les plus actifs. L’ONG Safernet a observé sur la même période une augmentation de 600 % des dénonciations pour apologie du nazisme sur Internet.

Comment, dès lors, expliquer un tel phénomène, dans un pays où l’antisémitisme demeure très minoritaire ? Loin de l’image d’Epinal d’un Brésil rempli d’anciens SS ayant fui en Amérique latine, « le nazisme n’a jamais représenté un mouvement de masse ici » , décrypte Alexandre De Almeida, anthropologue et spécialiste des groupuscules d’extrême droite, qui rappelle qu’à son apogée, dans les années 1930, le parti nazi local ne comptait pas plus de 3 000 membres.

Dans les années 1980 et 1990, une maison d’édition négationniste et antisémite est fondée, nommée Revisao, et des groupes de skinheads et carecas (« crânes rasés ») s’organisent à Sao Paulo. Mais ceux-ci demeurent mal structurés et ultraminoritaires. « Les néonazis brésiliens de 2021 connaissent très mal l’histoire du IIIe Reich… Ils sont surtout fascinés par la figure d’Hitler, qui incarne pour eux le sauveur, l’homme fort » , résume Alexandre De Almeida.

Malgré les scandales médiatiques, les néonazis brésiliens demeurent, de l’avis des experts, un groupuscule insignifiant à l’échelle du pays. « Il faut dédramatiser : toute cette activité en ligne peut donner l’impression d’une énorme armée de militants fascistes en marche. Mais en vérité, derrière chaque cellule on trouve généralement deux ou trois personnes devant un ordinateur. Ce n’est pas encore vraiment une menace », insiste le chercheur.

« Aujourd’hui, les néonazis se sentent surtout bien plus libres de s’exprimer » , explique Odilon Caldeira Neto, professeur d’histoire contemporaine. En cause : le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, lui-même régulièrement traité de « nazi » , de « négationniste » ou de « génocidaire » par ses opposants.

En apparence, pourtant, le chef de l’Etat fait tout pour se distancier des néonazis. Admirateur éperdu d’Israël, le président aime à poser en kippa en compagnie de représentants de la communauté juive, drapeau d’Israël à la main. Mais il fréquente depuis longtemps des groupuscules fascistes.

« Bolsonaro s’est rapproché d’Israël pour laver son image. Mais le naturel revient vite au galop. Le bolsonarisme se situe dans une perspective nazie. Il s’est approprié la grammaire, la rhétorique, l’esthétique et les symboles du IIIe Reich » , dénonce Michel Gherman, historien et directeur académique de l’Institut Brésil-Israël, qui prend pour preuve de nombreux dérapages récents.

Parmi eux, le slogan du candidat (« Le Brésil au-dessus de tout »), évoquant le « Deutschland über alles » d’Adolf Hitler, ou encore un post sur les réseaux sociaux de la communication de la présidence en 2020, selon lequel « le travail, l’union et la vérité libéreront le Brésil » , rappelant à beaucoup le « Arbeit macht frei » d’Auschwitz.

Source : Le Monde

 

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