FEMME LEADER. Ruth Falise Grauer, directrice design et architecture de Magma Design.

Rencontre avec Ruth Falise Grauer, directrice design et architecture de Magma Design, bureau d’études de design et architecture d’intérieur spécialisé dans la création de concepts architecturaux pour les entreprises, centres commerciaux, bureaux, expositions, hôtels et restaurants. 

Ruth Falise Grauer a plus de 25 ans d’expérience dans la conception et réalisation de projets multidisciplinaires pour des institutionnels et privés en Suisse et à l’international. Après des études à l’Université de Tel-Aviv, Ruth poursuit en architecture à l’Université technique de Munich grâce à une bourse Rotary. Passionnée et toujours à la recherche de l’excellence, elle continue sa carrière en travaillant, en 4 langues, avec de grandes marques telles que Escada ou Audi. En 2011, elle fut mandatée pour intégrer le conseil de surveillance du fabricant de cuisines Alno AG.

Comment êtes-vous devenue administratrice?

L’idée de postuler pour un mandat au sein du conseil de surveillance de l’un des plus grands fabricants de cuisines allemand ne vient pas de moi, mais de Anne Hornung-Soukup, présidente du Conseil d’Administration des Transports Publics Genevois. Convaincue par l’impact de la diversité dans le fonctionnement du CA, Anne était à la recherche de compétences spécifiques. Ce sont principalement les femmes qui prennent les décisions pour l’achat d’une cuisine, il était donc pertinent que l’une d’entre elles siège au CA. Le fait d’être une femme, designer et architecte d’intérieur, avec une large expérience dans la gestion de projets et d’avoir la volonté d’adjoindre ces compétences au conseil ont joué un rôle crucial dans ma nomination.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans cette fonction, les compétences que vous avez développées?

J’ai eu la chance de faire partie du conseil d’une grande entreprise cotée en bourse. Les défis liés à la gouvernance étaient intéressants, de la compréhension des marchés, à l’engagement des actionnaires et aux enjeux internes de l’entreprise, notamment l’approche des différentes problématiques liées à la production, la distribution, la digitalisation, la diversification des produits ou les mécanismes liés à la bourse. Sur un autre plan, j’étais attentive aux propos des représentants des employés. Ce poste m’a permis d’intégrer les fonctionnements et les défis de cette grande entreprise et d’affiner et renforcer mon sens critique.

Quels sont les moyens dont vous usez pour faire passer vos convictions en tant qu’administratrice?

En rejoignant un CA, il faut d’abord prendre le temps d’étudier les dossiers pour bien comprendre le contexte avant de vouloir changer les choses. J’ai beaucoup questionné mes collègues du conseil lors de visites sur les sites de production, pris le temps de rencontrer les personnes-clés de l’entreprise. Ceci m’a permis d’affirmer mon opinion liée à mes domaines de compétences et à mon expérience professionnelle. Cette démarche m’a permis de proposer de nouvelles stratégies, différentes de celles des autres experts. Le personnel a également apprécié l’intérêt que je leur ai montré. Les collaborateurs se sont sentis écoutés et mieux compris par le conseil.

Quelles sont les difficultés de cette fonction, le challenge que vous avez connu?

Mon mandat a débuté après une période de plusieurs changements de direction dont les décisions avaient impacté les performances. À cela s’ajoutaient les changements liés au financement de l’entreprise. Par conséquent le conseil de surveillance a été confronté à des situations de crise et à la nécessité de prendre des décisions urgentes. Le travail du conseil dans ce contexte a nécessité un grand engagement. Certaines situations ont demandé l’intervention d’experts juridiques, économiques et/ou parfois politiques. Heureusement que l’équipe a gardé une approche bienveillante et pragmatique pour trouver les solutions utiles.

Comment améliorer la représentation des femmes en politique ou dans l’économie selon vous, pourquoi est-ce important?

Nous sommes témoins d’un changement sociétal dans l’égalité hommes/femmes. Cela se traduit par les lois récemment votées pour l’égalité salariale ou le congé paternité. Ce contexte souligne que les deux doivent avancer ensemble dans la société. Les femmes qui suivent des études supérieures et accumulent des compétences doivent aussi pouvoir trouver un « retour sur investissement ». J’encourage donc toutes les femmes qui en ont envie de participer activement à la vie économique, associative et politique et à réaliser leur mission. Leur modèle contribuera à l’exemplarité pour l’éducation de leurs filles et garçons.

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui aimerait devenir administratrice?

Les rôles d’administratrices se professionnalisent et la démarche doit être similaire à tout processus de recherche de fonctions nécessitant l’adéquation profils et compétences. Les expériences liées au mandat s’acquièrent par la pratique et par une formation spécifique. Elles permettent d’élargir son réseau et de multiplier ses chances d’embauche dans d’autres CA.

 

A titre personnel, que pensez-vous des quotas?

Dans un monde idéal, la composition d’un CA doit être équilibrée et les conseillers choisis selon leurs compétences. Aujourd’hui ce n’est pas encore le cas et l’histoire prouve que des changements liés à l’égalité homme/femme sont issus de fortes prises de position, suivies par l’évolution des lois. Les quotas s’inscrivent dans cette démarche. C’est un signal politique important qui va sans doute contribuer à l’accélération du processus vers ce monde idéal.

https://www.bilan.ch/

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