François Heilbronn. « Les 81 ans du Statut des Juifs et le faussaire de Vichy ».
3 octobre 2021.
Lancé dans une campagne présidentielle qui ne dit pas encore son nom, Éric Zemmour continue d’affirmer que le régime de Vichy a «protégé les Juifs français». Face à cette contre-vérité, un rappel historique lors de cette journée de commémoration des 81 ans du «Statut des Juifs» durci par la main de Pétain.
Le 3 octobre 1940, il y a 81 ans, fut promulgué le Statut des Juifs par le Gouvernement Français de l’époque sous l’autorité de Philippe Pétain. Ce texte, première antichambre de la mort, vise TOUS les Juifs, français ou étrangers, alors que le projet initial prévoyait d’épargner « les descendants de Juifs nés français ou naturalisés avant 1860 ».
Pétain relit, corrige, biffe, rajoute des exclusions. Pétain décide de rayer de sa main cette mention, a) de l’article 4. Le brouillon de ce Statut durci de la main de Pétain est conservé au Mémorial de la Shoah. Ce statut du 3 octobre 1940 a été édicté, sans aucune demande ni pression allemande, avec pour objectif de viser TOUS les Juifs vivant en France, Français et étrangers.
C’est ce même Pétain et son régime de collaboration active qu’un polémiste candidat putatif à la présidentielle, Éric Zemmour, cherche à réhabiliter en insultant l’histoire, la France et ses morts pour se faire adouber par l’extrême-droite française.
Pour Serge Klarsfeld, « la découverte (en 2010) de ce projet du Statut des Juifs est fondamentale. Il s’agit d’un document établissant le rôle déterminant de Pétain dans la rédaction de ce statut et dans le sens le plus agressif, révélant ainsi le profond antisémitisme du chef du gouvernement de Vichy ».
« Le principal argument des défenseurs de Pétain était de dire qu’il avait protégé les Juifs français. Cet argument tombe » (Le Monde, le 3 octobre 2010).
Pendant 4 ans les Juifs étrangers qui avaient trouvé refuge dans notre pays et les Juifs français vont être progressivement fichés, exclus, spoliés, arrêtés, internés et déportés pour être exterminés, grâce à la complicité active d’un « Gouvernement de rencontre », une administration zélée à la solde de l’occupant.
Mais les Juifs résisteront, se battront dans la résistance intérieure, comme dans les Forces Françaises Libres. Ils sauveront la très grande majorité de leurs enfants avec l’aide des Justes de France contre les persécutions des Allemands et de leurs collaborateurs français et au premier rang duquel, Pétain et son Régime dit de « l’État Français ».
Regardez les copies ce brouillon du Statut durci de la main de Pétain, pour inclure dans ce Statut, antichambre de la mort, les Français juifs d’avant 1860. Regardez cette volonté d’exclure de tous les postes de l’administration, de toutes les activités les Juifs quelque-soit leur nationalité.
Mais au-delà de cet acte initial, dès octobre 1940, de l’exclusion de la vie sociale, administrative et économique de tous les Juifs en France. L’État Français sous la direction de Pétain, Laval et Bousquet a organisé :
– Le fichage de tous les Juifs en France prélude aux rafles,
– Les rafles des Juifs étrangers (14 mai) et français (12 décembre) dès 1941 en région parisienne,
– Les rafles, l’internement des Juifs étrangers et français en zone libre sous leur seule autorité puis leur livraison à l’ennemi en vue de leurs déportations à l’été 1942,
– La participation active de toutes les forces de police et de gendarmerie pour toute la durée de l’occupation à l’arrestation, l’internement et aux opérations de déportation des Juifs français et étrangers.
Il est à la fois sidérant et écœurant qu’en 2021 un candidat putatif à la Présidence de la République, Éric Zemmour, juif de surcroit, nie la réalité historique de la participation volontaire, active et décisive de Pétain, Laval et Bousquet à la déportation vers les camps d’extermination des Juifs français (pour les étrangers, il le reconnait). Qu’il nie ainsi le travail remarquable des meilleurs historiens spécialistes de cette époque (Klarsfeld, Azéma, Paxton, Wieviorka, Joly…). Qu’il remette en cause les discours des Présidents de la République qui, depuis Jacques Chirac, ont commencé un nécessaire et trop attendu travail de vérité historique et de réparation. Qu’il insulte nos morts en niant la participation active de l’État Français à leur assassinat par les nazis.
Le 26 septembre sur Europe 1 et CNews, Éric Zemmour a de nouveau déclaré que « Vichy a protégé les juifs français et donné les juifs étrangers ». Il reprenait textuellement ainsi les propos qu’il avait déjà tenus face à Bernard-Henri Lévy sur CNews en 2019 et pour lesquels il avait été poursuivi pour « négationnisme » (jugement en appel en 2022).
Spécialiste de cette période, l’historien Laurent Joly et auteur du magistral « L’État contre les Juifs » explique qu’il y a eu « des premières rafles en 1941 qui visaient des Juifs étrangers. Ils ont aussi arrêté des Juifs français ». Quand en 1942, l’Allemagne élabore l’extermination des Juifs avec la solution finale. Laurent Joly précise que le régime de Vichy collabore alors et participe à une « politique antisémite propre qui vise à se débarrasser du maximum de Juifs indésirables. C’est une politique qui, de fait, n’a absolument pas été protectrice des Juifs français puisque dès la rafle du Vel d’Hiv, vous avez 3.000 enfants français qui sont arrêtés ». Il y eut en tout 24.000 Juifs français déportés avec l’aide active de l’État français et de son administration dont quinze membres de ma famille, tous Français depuis la Révolution française.
Il est détestable qu’Éric Zemmour nie ce crime contre l’humanité pour de basses manœuvres politiques et essaye ainsi de faire oublier à l’extrême-droite dont il recherche les suffrages, qu’il est Juif.