Le Saint des saints de la grande synagogue de Vilnius – la «Jérusalem du Nord» – revoit la lumière du jour. Près de 80 ans après avoir été pillé par les forces nazies au cours de la Seconde Guerre mondiale, le cœur de l’un des plus importants lieux de culte juif européen a livré aux archéologues la pointe d’un petit yad, découvert au milieu des vestiges mis au jour ces dernières semaines dans la capitale lituanienne. Le pointeur utilisé pour lire la Torah est l’un des rares objets à avoir survécu à la destruction et au pillage de la synagogue par les troupes allemandes, puis à sa démolition définitive par les ouvriers soviétiques.
Formée de spécialistes lituaniens, israéliens et américains, la mission archéologique révèle méticuleusement, depuis six étés, les contours et le centre de l’ancien édifice vilnois monumental. Guidés par des prospections géophysiques et d’anciens plans du Shulhoyf – le centre du quartier juif où était insérée la synagogue – les chercheurs ont dégagé les restes du double escalier qui entourait la bimah – la chaire de l’officiant – ainsi que le aron kodesh, «l’arche sainte» où l’on conserve les rouleaux de la Torah. Ces vestiges se trouvaient dans l’enfilade d’un pavement bicolore en étoile.
Mise à sac et dévastée en 1941, la synagogue a achevé d’être démolie à l’époque soviétique, en 1956-1957, pour laisser la place à une école. D’ultimes destructions dont les archéologues ont retrouvé la trace au cours de leur fouille. «Lorsque nous sommes arrivés pour fouiller l’aron kodesh et la bimah, où des générations de Juifs ont lu le rouleau de la Torah pendant plus de trois siècles, il s’est clairement avéré, malheureusement, que le cœur de la synagogue avait été fortement endommagé par les destructions soviétiques», ont indiqué les responsables israéliens et lituaniens de la fouille, Jon Seligman et Justinas Rakas, dans un communiqué relayé par The Times of Israel.
La grande synagogue est sortie de terre au cours des années 1630, vers l’apogée de la République des Deux-Nations formée par l’union de la Pologne à la Lituanie. D’une apparence modeste depuis la rue, l’intérieur du bâtiment était très richement décoré et orné, à partir du XVIIIe siècle, d’une coupole d’inspiration baroque. Quatre imposantes colonnes toscanes frappaient également l’esprit des nombreux visiteurs. Elles ont aussi été partiellement mis au jour lors de la dernière campagne de fouille. «Nous avons retrouvé les vestiges complets de l’un des quatre grands piliers qui soutenaient le toit de la Grande Synagogue», s’est félicitée dans un communiqué l’Autorité israélienne des antiquités, partenaire du chantier archéologique.
Marquée par une grande tolérance religieuse à partir de la promulgation de la confédération de Varsovie, en 1573, l’époque voit la communauté juive du pays se développer et doubler en nombre entre 1550 et 1600, jusqu’à atteindre environ 300.000 âmes, d’après les estimations avancées en 2010 par le chercheur Daniel Tollet. À Vilnius, alors connu sous le nom de Wilno puis Vilna, le lieu de culte devient un centre spirituel et intellectuel réputé, à la tête d’un réseau de 12 synagogues secondaires, de nombreux centres d’études de la Torah et différents autres bâtiments communautaires. La population juive de Vilnius était estimée à près de 80.000 environ à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Source : Le Figaro (copyright)