Comme l’avait fait Yaïr Lapid en 2013 lors de son passage au ministère des Finances, c’est au tour d’Avigdor Liberman de se colleter avec le secteur ultra-orthodoxe. Il y a quelques semaines, le nouveau ministre des Finances avait annoncé qu’il supprimait à partir de la rentrée la subvention des crèches pour les familles dont le père ne travaille pas, ou n’étudie pas en vue d’une formation professionnelle. Une mesure qui vise directement les Juifs du courant ultrareligieux qui choisissent de rester en dehors du marché du travail pour se consacrer à l’étude. Dans ce cas, une fois mariés, c’est leur épouse qui travaille et le ménage bénéficie par ailleurs d’un certain nombre d’allocations de l’Etat pour les enfants, la couverture sociale ou le revenu minimal.
Avigdor Liberman, qui est à la tête du parti Israel Beitenou, n’a jamais caché son hostilité au système dont bénéficient les ultra-orthodoxes en Israël. Surtout parce que cet antagonisme satisfait le noyau dur de son électorat, composé d’Israéliens issus de l’immigration de l’ancien bloc soviétique et qui voient surtout dans le courant harédi les rabbins qui ont pu refuser de reconnaitre leur judéité quand ils ont obtenu la citoyenneté israélienne. Et durant les quatre législatives qui se sont succédé depuis 2019, le chef du parti russophone israélien avait maintenu sa ligne dure, refusant toute alliance, non seulement avec Benyamin Netanyahou, mais aussi avec les partis orthodoxes. Une fois arrivé au gouvernement, il doit donc faire preuve d’un minimum de cohérence politique.
Mais sur cette question récurrente du secteur harédi et de sa place dans la société israélienne, dont il représente aujourd’hui un peu plus de 10%, il y a deux approches : celle qui vise à encourager la population orthodoxe à intégrer l’économie et celle qui veut y parvenir par des mesures contraignantes. C’est plutôt la ligne dure que semble privilégier Avigdor Liberman, même s’il a déjà reporté l’entrée en vigueur de sa réforme. Or, si cette ligne dure peut se révéler plus gratifiante d’un point de vue politique, ce n’est pas forcément la plus efficace. D’abord parce que la société orthodoxe est en train d’évoluer. L’hostilité idéologique au sionisme et à l’Etat d’Israël ne concerne plus qu’une frange de plus en plus marginale, tandis que les ultra-orthodoxes qui cherchent à s’intégrer sont de plus en plus nombreux. Mais cela ne veut pas dire qu’ils soient prêts à renoncer à leurs valeurs et à leur mode de vie. Ce qui pose un double défi à l’Etat d’Israël qui doit trouver le moyen de leur faire une place, sans obliger le reste de la société à devenir plus orthodoxe. C’est par exemple le problème qui se pose avec la conscription obligatoire. D’un côté, le service militaire ou civil reste un creuset vital pour cimenter le sentiment d’appartenance à la collectivité israélienne, mais de l’autre, l’intégration dans les rangs de Tsahal de conscrits orthodoxes crée aussi des antagonismes, comme par exemple avec la mixité. Même difficulté pour les établissements d’enseignement supérieur et aussi dans certains secteurs professionnels.
Il y a donc un équilibre délicat à trouver pour inclure la société orthodoxe sans dénaturer les autres composantes de la société israélienne. Mais pour cela, il faudrait réfléchir sur le long terme et non pas en calendrier électoral.
Pascale Zonszain (Copyrights). Radio J.