EDITORIAL. Que n’aurait-on entendu en Occident si un intellectuel palestinien était mort lors de son arrestation par les forces de l’ordre israéliennes. Nizar Banat, célèbre opposant, avait été arrêté à l’aube par l’Autorité palestinienne, le 24 juin 2021, puis transféré le jour même à l’hôpital d’Hébron où il est mort de ses blessures. Parce qu’il dénonçait la corruption de l’Autorité palestinienne, il a été battu à mort, sans pitié, par plus de 20 membres des forces palestiniennes de sécurité.

Nizar Banat, 43 ans, militant pour les Droits de l’homme, était candidat aux élections législatives, repoussées sine die, sur la liste électorale Liberté et Dignité. Il était connu par tous les Palestiniens, pour ses vidéos sur les réseaux sociaux, critiquant haut et fort l’Autorité palestinienne et son dirigeant, Mahmoud Abbas, et fustigeant la corruption et les diverses manœuvres politiciennes. Il était un habitué des prisons palestiniennes et des tortures qu’il subissait au point que la représentation de l’Union européenne auprès des Palestiniens s’était inquiétée après ses différentes arrestations. Il a été frappé à coups de barre de fer jusqu’à le rendre méconnaissable.

Devant les nombreuses manifestations de rue, des responsables de l’Autorité palestinienne ont annoncé que le Premier ministre Mohammad Chtayyeh avait ordonné de créer un comité d’enquête sur la mort de Banat, dirigé par le ministre de la Justice Mohammad Shalaldeh et comprenant un médecin nommé par la famille Banat, un responsable des droits humains et un responsable de la sécurité.

Les amis de Banat craignent que l’enquête finisse comme celle de Majd al-Barghouthi, imam et prédicateur islamique, décédé en détention par l’Autorité palestinienne en 2008. L’enquête officielle avait permis en fait d’innocenter les forces de sécurité des actes répréhensibles puisqu’elle avait conclu qu’Al-Barghouthi était mort parce qu’il était un fumeur invétéré, alors qu’il n’avait jamais fumé. Ils font aussi un parallèle entre la mort de Banat et le meurtre en mars 2017 d’un autre militant palestinien de premier plan, Basel al-Araj, l’un des six militants emprisonnés et torturés par l’Autorité palestinienne pendant six mois en 2016.

Banat, habitant de la ville de Dura, dans le district d’Hébron, au sud de la Cisjordanie, laisse derrière lui une femme et cinq enfants. Ancien membre du Fatah, il avait fait campagne aux élections législatives sur une liste d’opposition à Mahmoud Abbas. Il était bien connu pour sa connaissance approfondie de l’histoire politique et sociale palestinienne. Sur sa page Facebook comptant 114.000 abonnés, il a publié des vidéos et des publications critiques sur l’Autorité. Il avait déjà été emprisonné huit fois, chaque fois pour plusieurs mois. Il avait nargué les agents de sécurité qui l’interrogeaient pour n’avoir pas un certificat de tawjihi (diplôme d’études secondaires).

En mai, des balles, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes ont été tirés sur la maison de la famille Banat alors que sa femme et ses enfants se trouvaient à l’intérieur. Il avait reçu des menaces de la part des services de renseignement de l’Autorité palestinienne, qui avaient exigé qu’il cesse de critiquer le régime. L’Union européenne s’était élevée contre ces méthodes, en vain : «L’UE s’oppose fermement aux actions visant à limiter l’espace dans lequel la société civile et les médias peuvent opérer, et attend des autorités palestiniennes qu’elles respectent les normes des conventions internationales des droits de l’homme». L’envoyé des Nations Unies pour la paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, a tweeté : «Je demande une enquête rapide, indépendante et transparente. Les auteurs doivent être traduits en justice».

Banat avait déclaré en mai aux médias : «Les Européens doivent savoir qu’ils financent indirectement cette organisation. Ils tirent en l’air lors des célébrations du Fatah, ils tirent en l’air lorsque les dirigeants du Fatah se battent, et ils tirent sur les personnes qui s’opposent au Fatah». Effectivement, la Banque européenne d’investissement a injecté 425 millions de dollars dans le secteur privé palestinien, durement touché par la pandémie. En réponse à la décision d’Abbas d’annuler les élections législatives et présidentielles prévues pour le 31 juillet, Banat et sa liste ont publié une déclaration demandant aux tribunaux de l’UE, dont la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, d’ordonner l’arrêt immédiat de l’aide financière à l’AP.

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