Depuis cent trente ans, les religieux dominicains de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem enseignent, étudient et prient. Sans relâche, ces érudits capables de déchiffrer certaines langues disparues fouillent aussi dans les sols de la région à la recherche d’informations sur la Bible et sur la vie à l’époque de Jésus.

En 1890, menés par le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), une poignée de membres de la communauté que saint Dominique avait fondée sept siècles plus tôt en Europe sont venus s’installer à Jérusalem, sur la terre des prophètes et de Jésus, dans l’espoir d’unir le «monument au document»  de confronter territoire et Livre sacré. Les 25 religieux dominicains qui résident aujourd’hui à l’Ebaf ont le privilège de se tenir au plus près de la source du texte, à l’endroit même où il a surgi il y a dix-huit siècles et au-delà.

Les membres de la communauté actuelle, riche de 13 nationalités différentes, s’attachent à dénicher dans la région des traces et des vestiges qui, associés aux centaines de milliers de photos inédites du siècle dernier, parfois sur plaques de verre que l’école possède, donnent une couleur concrète à toute leur quête. Leur liberté scientifique et leur audace proviennent du fait que leur travail n’a aucune finalité (géo)politique. Leurs fouilles, rigoureuses et concentrées, servent la connaissance pure. «Grâce aux fouilles conduites en Terre sainte, nous avons une vision de plus en plus précise de la vie religieuse au temps de Jésus» se réjouit le dominicain Olivier-Thomas Venard qui confirme, grâce aux dernières découvertes, combien le judaïsme de cette époque fut diversifié et multiforme.

Le poids historique du site de l’école donne lui aussi le vertige. Située à quelques mètres de la porte de Damas qui ouvre sur la vieille ville de Jérusalem, côté est, celle-ci recouvrirait le lieu exact du martyre de saint Étienne, prédicateur juif lapidé en 34 pour sa foi en Jésus-Christ, sous les yeux de Saul, le même qui deviendra saint Paul et évangélisera au large.

«Je pense que Jérusalem a une vocation mystérieuse et universaliste , médite à haute voix Jean-Jacques Pérennès. Elle est appelée à réunir les enfants d’Abraham. Notre mission est de rester sur les “lignes de fracture” dont parlait l’ancien évêque d’Oran, Pierre Claverie.» Les autorités israéliennes manifestent depuis quelques années les velléités d’empiéter sur le territoire du couvent qui aiguise l’appétit des promoteurs immobiliers, mais, si pour le moment, rien ne paraît devoir changer, la menace est là, plus présente que jamais.

Le président Emmanuel Macron ne s’y est pas trompé en bouleversant son programme lors de sa dernière visite à Jérusalem, en janvier 2020, afin de venir découvrir l’école. Il est le premier président en exercice à l’honorer ainsi. «Sa visite a duré une heure et demie, il s’est beaucoup intéressé à notre travail, soulignant notre liberté par rapport aux enjeux strictement politiques de la région, raconte Jean-Jacques Pérennès. Il a promis de nous soutenir et a tenu sa promesse.»

Source : Le Figaro & Israël Valley

 

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