Au terme de cinq semaines de négociations le jour et parfois la nuit, la Commission de la condition de la femme a accouché vendredi 26 mars aux Nations unies (ONU) d’une déclaration a minima.
Alors que ces négociations annuelles devaient être plus aisées que les précédentes, avec une nouvelle administration américaine moins conservatrice que celle de Donald Trump, elles ont été « les plus difficiles et les plus tendues depuis trois ans », se lamente un diplomate sous couvert d’anonymat, en évoquant « une grande déception ».
Au début de la 65e session de la Commission, les négociateurs avaient sur leur table de travail 50 pages et 80 paragraphes. Au bout du compte, le texte fait 24 pages et 64 paragraphes. Des pans entiers de la déclaration ayant trait au harcèlement sexuel, à l’égalité des sexes ou à la défense des droits des filles ont disparu, a pu constater l’Agence France-Presse (AFP) en se procurant les différentes versions du texte.
En regrettant que le document final n’ait pas été plus ambitieux, l’ambassadeur allemand adjoint à l’ONU, Günter Sautter, a dénoncé « les tentatives systématiques de certaines délégations pour faire dérailler le processus et mettre en question des engagements et obligations internationaux en matière d’égalité des sexes ». Elles « montrent que la répression des droits des femmes se poursuit », a-t-il déploré.
Plus explicite, un diplomate européen s’exprimant sous couvert d’anonymat a affirmé que « la Russie avait joué un rôle exceptionnellement perturbateur dans les négociations », sans vouloir parvenir à des accords. « Le résultat du faible dénominateur commun d’aujourd’hui démontre qu’une répression des droits des femmes se poursuit à l’ONU et que la Russie fait tout ce qui est en son pouvoir pour saper les progrès sur la question », a-t-il estimé.
Lors de son intervention devant l’Assemblée générale de l’ONU, la délégation russe s’est bornée à relever que les négociations s’étaient déroulées « de manière respectueuse et inclusive ». « La protection des mères aurait pu être mieux défendue », a ajouté Moscou.
« La Russie, avec d’autres, a poussé en faveur d’une vision traditionnelle et très restrictive de la famille. L’Europe n’avait que des priorités, la Russie que des lignes rouges », a résumé une source diplomatique proche des négociateurs.
La nouvelle administration américaine n’inverse pas la tendance
Outre Moscou, le Saint-Siège et Cuba ont « joué un très mauvais rôle », avec des « attaques contre l’égalité des sexes », a-t-on précisé de même source.
Et la nouvelle administration démocrate de Joe Biden n’a pas permis d’inverser la tendance. « Ce que les Etats-Unis ont fait ces quatre dernières années a toujours des effets aujourd’hui », déclare un diplomate, également sous couvert d’anonymat, en regrettant la place toujours accordée dans le débat aux organisations catholiques conservatrices américaines, à plusieurs gouvernements et à des délégations.
Alors que le texte d’origine critiquait une extension des violences faites aux femmes et filles, incluant le harcèlement sexuel, la version finale du document rapporte que ce dernier, « dans les espaces privés et publics, y compris dans les établissements d’enseignement et le lieu de travail, ainsi que dans des contextes numériques, conduit à un environnement hostile ».
Sans être très agressive dans la formulation, la Commission « reconnaît » par ailleurs « que l’inégalité entre les sexes continue de se traduire par des déséquilibres de pouvoir entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société ».