Si Haïfa n’est que la troisième ville d’Israël, après Jérusalem et Tel-Aviv, son port commercial flanqué au sud de la baie est le premier avant Ashdod ou Eilat avec une gestion de près de 30 millions de tonnes de fret annuel.
Longtemps délaissé par les anciens gouvernements israéliens, il est maintenant considéré comme le port le plus développé et le plus sécurisé du pays, notamment du fait de la présence de la flotte américaine qui y stationne et après l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, Haïfa est bien placé pour profiter d’une dynamique régionale favorable pour l’éclipser et devenir la courroie de transmission entre la Méditerranée orientale et le Golfe.
En 2010, une première phase d’expansion implique la construction d’un nouveau terminal de réception des cargos, mais le véritable bouleversement débute en 2018 avec l’appel d’offres visant à en faire un centre d’accueil pour de très larges cargaisons. Le nouveau projet de port, qui sera opérationnel dès 2021, permet de maximiser le potentiel du réseau de transport terrestre, dont le développement est en cours en parallèle.
Moins d’un mois après la signature des accords d’Abraham, le premier cargo en provenance des Émirats arabes unis accoste au port de Haïfa, désormais ouvert aux échanges directs avec deux pays du Golfe et les accords de normalisation conclus à la mi-septembre entre Israël d’un côté, Bahreïn et les Émirats de l’autre, doivent être lus notamment à la lumière de cet épisode, révélateur d’une stratégie d’ensemble.
Outre le développement des capacités de fret, l’objectif a été de relier Haïfa à l’intérieur des terres en investissant sur des infrastructures de transport terrestre et en 2016, l’autoroute reliant Haïfa à la zone économique de Beit Shean, près de la frontière jordanienne, a été inaugurée. Surtout, le monumental projet de renaissance de l’ancienne voie ferroviaire ottomane du Hijaz, prévoit de relier Israël à la Jordanie, l’Irak et l’Arabie saoudite est remis à jour.
L’importance nouvelle du port et des investissements ne peut être appréhendée sans prendre en compte l’emplacement stratégique de Haïfa, au cœur d’une région remise au centre des préoccupations internationales grâce à la découverte de nouveaux gisements en gaz. De la Libye à la Grèce, la Méditerranée orientale est l’objet de toutes les convoitises. De son côté, l’État hébreu a fait son entrée officielle dans le secteur des hydrocarbures avec l’exploitation effective du bassin du Léviathan depuis la fin 2019.
Difficile pourtant d’ignorer que les milliards de mètres cubes qui doivent permettre une transition énergétique du pays font face au nœud commercial de Haïfa alors que Beyrouth ne peut plus rivaliser avant longtemps, d’autant que Haïfa, qui est en train de multiplier les investissements stratégiques, bénéficie également d’un cadre politique et économique bien plus stable que son voisin libanais.
Tout, du contexte régional au volontarisme israélien, semble converger pour créer l’environnement propice à une revanche du port de Haïfa sur l’histoire.
Source : L’Orient le Jour & Israël Valley