Au milieu des années 2000, en Biélorussie, le président Alexandre Loukachenko a lancé un parc dédié aux nouvelles technologies sans en comprendre les ressorts. Poussée par les avantages fiscaux accordés par le régime, l’industrie du numérique est rapidement devenue un moteur essentiel de l’économie biélorusse et en 2018, elle représentait 5,5 % du PIB avec près de 1,5 milliard de dollars d’exportations, et employait 60 000 salariés.

Mais depuis la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, le 9 août, les salariés des entreprises de technologies de l’information sont devenus un pilier de la contestation qui secoue le pays. « Sans eux, cette révolution serait impossible », affirme l’analyste biélorusse Franak Viacorka, spécialiste des médias numériques.

Au début des dernières élections présidentielles, quelques-uns ont créé, pour la première fois, une plate-forme d’observation électorale en ligne, Golos (« Voix »), pour faire un décompte indépendant des suffrages et de comparer les résultats officiels avec ceux que les électeurs avaient envoyés via une application qui a été téléchargée par un million de personnes (sur 9,5 millions d’habitants).

Depuis le scrutin, c’est aussi grâce aux nouvelles technologies que les protestataires s’organisent pour manifester, à travers les réseaux sociaux et la messagerie cryptée Telegram. C’est grâce à elles, encore, que la population peut accéder à des informations indépendantes par le biais des médias en ligne, dans un pays où la télévision d’Etat est aux ordres. D’une certaine façon, le régime autoritaire a obligé le peuple à développer ses compétences sur Internet, parce que c’était le seul espace de liberté.

Jusqu’ici, les salariés des IT, issus des classes moyennes supérieures, s’étaient tenus à l’écart de la politique, mais choqués par l’ampleur de la répression, ils ont mis leurs moyens informatiques pour mener une véritable guérilla numérique contre le régime de Loukachenko. Parmi ses faits d’armes : le hacking de la télévision nationale en direct pour diffuser des images de la répression policière, le piratage de sites Web gouvernementaux, et la divulgation des noms et adresses personnelles de plus de 2 000 membres des forces de sécurité, dont le visage est dissimulé sous une cagoule lors des manifestations.

C’est un mouvement souterrain du XXIe siècle : les partisans ne luttent plus dans des forêts mais dans le cyberespace. En s’attaquant au secteur IT, Loukachenko s’est tiré une balle dans le pied. Les salariés ont beaucoup moins à perdre que d’autres : ils sont riches, ne dépendent pas du gouvernement, et peuvent travailler de n’importe où. »

Conscients de la manne que représentent ces entreprises, les pays voisins de la Biélorussie se bousculent déjà pour les accueillir ; Les pays baltes, la Pologne et l’Ukraine ont annoncé la mise en place de dispositifs pour faciliter leur relocalisation.

Source : Le Monde & Israël Valley

 

 

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