Kenzo Takada, pionnier des créateurs japonais installé à Paris, est mort. En Israël les milieux artistique et de design ont adoré ses créations.
Selon (1) : « Multiculturalisme et imprimés floraux constituaient ses attributs de mode.
Le 7 octobre 1999, Kenzo Takada faisait ses adieux à la mode avec un dernier défilé réjouissant. Le plus parisien des designers japonais, qui avait cédé sa maison à LVMH 6 ans plus tôt, tirait sa révérence dans la joie et la bonne humeur – des marqueurs indissociables de son travail.
Cette ultime collection présentée au Zénith, devant 4 000 personnes en liesse, était un show-performance réunissant musiciens, animaux, danseurs, sur fond d’inspiration multi-ethnique. Sur le podium, mannequins (Katoucha Niane, Inès de la Fressange), célébrités (Julien Clerc) et proches collaborateurs défilaient ou dansaient au son des tam-tams, de notes tziganes ou d’accordéon. Un moment magique et poétique, qui s’énonçait comme un rétrospective du talent de Kenzo Takada, décédé ce 4 octobre à l’âge de 81 ans des suites du Covid-19.
Pour clore le spectacle, le designer était venu saluer énergiquement l’assistance, sa mèche de jais – désormais grise – en mouvement, sourire aux lèvres, dans un complet trois-pièces sombre, accordé à une chemise blanche et une cravate jaune. Dès lors, la maison qui portait son prénom allait continuer de vivre sans lui, voyant se succéder au poste de directeur artistique son fidèle collaborateur Gilles Rosier (2000-2003), puis Antonio Marras (2003-2011), suivi par le tandem formé par formé par Carol Lim et Humberto Leon (2011-2019), et enfin par Felipe Oliveira Baptista (2020). Avec cet ultime opus, Kenzo Takada célébrait également 30 ans de succès.
Cinquième d’une famille de sept enfants, né en 1939 à Himeji, cité nippone au passé féodale, où son père possède une machiya (une maison de marchand japonais), Kenzo Takada s’intéresse à la mode dès l’enfance. Devenu adulte, il abandonne son cursus général à l’Université de Kobe pour poursuivre en 1958 ses études dans la célèbre école tokyoïte – la Bunka Fashion College, qui vient juste d’ouvrir ses portes aux garçons. Une fois diplômé, Kenzo Takada rejoint Marseille en bateau – un périple de plus d’un mois et demi – pour finalement débarquer à Paris en 1964. Son succès n’y est pas immédiat.
Il commence d’abord par vendre ses croquis à Louis Féraud et Jacques Delahaye avant d’obtenir un poste d’assistant styliste chez Renoma – marque française alors incontournable, prisée par la jeunesse parisienne et les célébrités. Il a 30 ans quand en avril 1970 il inaugure sa première boutique au cœur de la Galerie Vivienne, décorée dans un esprit Douanier Rousseau, qu’il baptise « Jungle Jap ». Une adresse qui accueillera la même année son premier défilé prêt-à-porter femme s’énonçant entre kimonos remasterisés, jupes hautes aux coloris vifs et tops amples. Un show qui se tiendra devant cinquante personnes et sur fond de la musique du film « Il était une fois dans l’Ouest ».
Une mode à part
Kenzo Takada propose une mode féminine à part, facile à comprendre, mêlant clins d’œil à ses racines nippones et références occidentales, recours à des cotonnades japonaises comme à des chutes de tissu provenant du marché Saint-Pierre, tenues folkloriques et vêtements de tous les jours, mix de couleurs et d’imprimés notamment végétaux et floraux… L’ensemble constitue une allure nomade, hybride et joyeuse, sans nul autre pareil, qui séduit. Dès lors tout s’enchaine, les ouvertures de boutiques se multiplient (en 1971 à Saint Tropez, en 1972 passage Choiseul à Paris, en 1973 rue du Cherche-Midi à Paris, en 1977 Place des Victoires toujours à Paris), les relais dans la presse se font de plus en plus nombreux (dès 1971 l’édition américaine du Vogue s’intéresse à son travail), ses défilés font le buzz (comme en 1983 où il organise un défilé au Château de Maison Laffitte) et la diversification de la marque est en marche (avec l’univers masculin en 1983 et la parfumerie en 1988).
En parallèle Kenzo organise des évènements de grande ampleur qui marquent les esprits. Ainsi en juin 1994 il recouvre le Pont Neuf de plus de 30 000 pots de bégonias et d’un rideau de lierre pour célébrer l’arrivée de l’été. Kenzo Takada se démarque en jouant la carte de l’audace et de la liberté de ton. Un propos qui s’exprime loin de la rigueur minimaliste habituellement prônée par les autres designers japonais. Une formule créative qui tape dans l’œil des vedettes de l’époque qui assureront la promotion de ce style – à l’instar de Grace Jones ou Jerry Hall. Les shows du designer aux allures de grandes fêtes finiront par sceller la réputation ultra joyeuse de sa mode. Ainsi en 1979, le designer, qui présente sa collection sous un grand chapiteau, surgira sur le podium – ou la scène, c’est selon – à dos d’éléphant suivi par des cavalières entièrement dénudées. On le sait moins, le designer est également à l’époque l’une des figures majeures des nuits parisiennes ».
(1) Le Point (Copyrights).