Les ambitions industrielles et militaires de Tel-Aviv trouvent en effet dans la soif d’armement et l’appétit technologique de la péninsule Arabique un écho parfait. L’obsession sécuritaire a fait du secteur de l’armement, de la défense et de la technologie l’une des priorités pour les pays du Golfe, qui comptent parmi les plus grands importateurs d’armes.

L’Arabie saoudite, qui dispose du quatrième budget militaire au monde, place le développement de son arsenal au premier rang des priorités dans le cadre de son programme Vision 2030.

Les Émirats arabes unis, dont le budget de défense a augmenté de 41 % en 2019, est la puissance militaire montante de la région.

Pour ces deux pays, il s’agit donc d’assurer un équipement de pointe, une capacité de déploiement interne afin d’assurer la défense du territoire, et éventuellement d’envisager des interventions sur des territoires étrangers. « Le Golfe a une demande claire pour des missiles de défense à courte, moyenne et longue portée, ainsi que pour des systèmes antidrones », estime Aram Nerguizian, pour qui, « ajoutés à la cyberdéfense, ces domaines sont ceux dans lesquels Israël a beaucoup investi en temps et en capital ».

Côté israélien, la croissance et la spécialisation progressive de l’industrie de défense place en effet le pays en huitième position des puissances exportatrices d’armes, dont le commerce a augmenté de 77 % entre les années 2015 et 2019.

Les principales destinataires restent certes les régions Asie-Pacifique, Europe et Amérique du Nord.

Mais le Golfe représente un potentiel certain pour les entreprises du secteur. « Comme toute industrie de défense, l’industrie israélienne est à la recherche d’opportunités et de marchés attractifs.

Le soutien des gouvernements ne pourra que faciliter cet accès », note Aram Nerguizian, pour qui « toutes ces différentes approches de coopération trouvent un nouveau potentiel lorsque des liens bilatéraux formels existent ».

Au sein de l’industrie israélienne, le développement particulièrement rapide du secteur de la cybersurveillance fournit une offre d’autant plus adaptée à la demande des régimes saoudiens et émiratis, plus à même de débloquer d’imposants budgets pour renforcer la traque aux dissidents.

L’État hébreu occupe cette année la sixième place du classement à l’échelle planétaire dans le rapport mondial sur l’écosystème des start-up.

En 2019, ses exportations de produits et services liés à la cybersécurité se sont élevées à 6,5 milliards de dollars.

Là encore, l’offre israélienne rencontre une volonté de maîtrise des nouvelles technologies au sein des monarchies de la région. En deux décennies, la montée en puissance des réseaux sociaux et des smartphones, puis les printemps arabes, ont changé la donne en recréant la place publique dans la sphère virtuelle.

Les réseaux se sont retournés contre les régimes autoritaires, permettant aux langues de se délier et, surtout, de discrètement organiser la contestation sur des groupes restreints ou par messageries privées faisant fi des frontières.

Mais la médaille a son revers : ces gouvernements ont la possibilité de suivre les dissidents à la trace grâce à des logiciels espions, percevant la contestation populaire grandissante dans la région comme une menace pour les pouvoirs en place.

« Cette nouvelle ère a été marquée par une surveillance en ligne largement répandue et un filtrage sélectif des informations sur les réseaux par les autorités, qui utilisent les technologies les plus sophistiquées importées de diverses sources, y compris de certaines démocraties de l’Union européenne et du Canada », rappelle Khalid Ibrahim, directeur exécutif du Gulf Center for Human Rights.

« La coopération entre Israël et les pays du Golfe est bien antérieure au printemps arabe, qui ne l’a pas déclenché, mais a peut-être été l’un des catalyseurs qui l’a prolongée », note Sarah Aoun, directrice du département de technologie à l’Open Technology Fund, une organisation à but non lucratif américaine qui promeut la liberté sur internet.

Le système de surveillance « intelligent » baptisé « Falcon Eye » installé dans la ville d’Abou Dhabi est par exemple le fruit d’un rapprochement entre les EAU et la société israélienne 4D Security Solutions dès 2007.

L’Arabie saoudite a également sollicité l’assistance d’entreprises israéliennes spécialisées en cybersécurité en 2012 suite à la cyberattaque par le virus Shamoon, attribuée à l’Iran par les renseignements américains, contre la compagnie pétrolière nationale Saudi Aramco.

Bahreïn s’est, pour sa part, offert les services de Verint Systems, une société israélienne dont les systèmes sont utilisés par des centres de surveillance et permettent de collecter des données sur les réseaux sociaux.

Selon des sources citées par le Haaretz, des équipes israéliennes se sont rendues dans le royaume sous des passeports étrangers pour former des responsables gouvernementaux à l’utilisation de leurs produits.


Source L’Orient le jour

Partager :